Date : début 1997

Préface :

J'ai écrit cette histoire plus où moins autobiographique un soir de déprime. Quand je la relis aujourd'hui, je retrouve les émotions qui m'animaient à ce moment et j'ai un peu froid dans le dos. Il s'agit juste d'une petite histoire qui a servi à exorciser mes démons.
Pour les références, il y a avant tout une chanson du groupe Téléphone : " Sur la route ", et puis bien sûr un vieux fantasme personnel de me tuer en voiture.

Introduction :

C'est l'histoire de Bob, qui s'il ne s'appelait pas Bob serait en tout point mon semblable : petit, blond, 19 ans, étudiant en médecine... etc.

Chapitre unique :

Il fait nuit... Bob est tout content, il a passé son permis de conduire il y a quelques heures. Tout s'est passé parfaitement et hop, maintenant le petit bout de papier magique est dans sa poche. Ses parents sont sympa : ils lui ont permis d'emprunter la voiture pour aller faire un tour.
La grosse Passat file à toute allure sur les routes en mauvais état de la campagne bretonne. Les amortisseurs fatigués en prennent plein les ressorts, Bob a du mal a garder son cap. Un camion en face. Bob freine, les roues se bloquent, nuage de fumée. Par chance, la voiture reste droite. Bob pousse un soupir de soulagement, l'histoire aurait pu se finir là.

L'imposante berline continue sa route... Bob commence à se détendre et à oublier l'incident survenu quelques minutes plus tôt. Son attention se relâche, il commence à chanter de sa voix de casserole une chanson de Téléphone :
- "Rouler toute la nuit,
Et la journée entière
Sans savoir ou on va,
Et pourquoi on y va
Je vous rappellerai,
Dans mon coeur accroché
Au coeur de la peau,
sans jamais se montrer

Je suis sur la route
Je suis en déroute
Je suis sur la route
Et j'en ai rien à foutre..."

Insensiblement, Bob appuie toujours plus fort sur l'accélérateur, à la fin de la chanson, il est déjà à 160... sur une route limitée à 90, c'est déjà pas mal.
Bob, toujours dans son univers continue et enchaîne sur la chanson suivante :
- "P'être que j'vais crever les yeux tournés dans un fossé
Comme un chat écrasé sans avoir le temps d'pleurer

Non non non, on ne m'aura pas vivant
Non non non, j'serai mort bien avant

Tu sais je n'ai pas peur de mourir
Oh mais, juste avant d'en finir,
Je veux être sûr que j'ai complètement crié
Ma vie, laisse moi vivre ma vie,
laisse moi vivre ma vie, laisse moi vivre ma vie
laisse moi, laisse moi... "


***

L'ambulance file sur la route déserte à la rencontre de l'accident : une voiture dans un fossé, au moins un blessé grave, accident probablement causé par la vitesse, peut-être aussi par l'alcool. Le conducteur est jeune... C'est tout ce que Claude Rinou, médecin au samu, sait pour l'instant. Pourvu qu'il ne soit pas trop tard.
L'ambulance se gare à quelques mètres de la voiture accidentée. C'est peut-être déjà trop tard : le conducteur a heurté le pare brise, malgré sa ceinture, avec une violence suffisante pour le faire exploser. Du sang. Claude Rinou en a vu d'autre, mais il ne peut retenir un haut le coeur à la vue de ce jeune homme défiguré. Il écarte le riverain qui tente de lui expliquer que c'est affreux-mon-dieu, -si jeune, -il-n'a-rien-vu, -il-a-juste-entendu-un-grand-bruit, -rien-vu-du-tout, -mon-dieu-c'est-affreux, -juste-un- grand-bruit... Arrivé près du corps, le médecin n'a plus qu'à constater le décès. Il faut désormais vérifier si le défunt avait émis des objections vis à vis du don d'organe... et bien sûr demander à la famille son avis.
Lumière blanchâtre, Raymond, 55 ans, se réveille en même temps que Xavier, 15 ans. Ils vivront... cela ne rattrapera pourtant pas complètement le gachi opéré par ce conducteur imprudent une nuit d'automne. Avec un peu de chance, le rein et le coeur de celui-ci vivront vieux, espérons que les heureux receveurs en prendront soin, et éviteront de rouler vite avec une voiture en mauvais état...

Ton avenir n'est que ce que tu en fais...

Fin

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