23/05/1999 - Maxime Prat
Je suis mort ...

(octobre 97)

Je suis mort... ou en tout cas je devrait l'être. Après un coup de 11,43 dans le cœur, on ne fait pas le malin d'habitude. D'ailleurs je ne sens plus mon pouls.
Bon, ben je suis peut-être mort mais je ne suis toujours pas parti... déjà une demi heure depuis que ma détresse a mis fin à mes jours. Ouais, fin à mes jours faut voir, je ne vois pas trop la différence entre avant et après. C'est pas que je m'ennuie moi, mais ça devient lassant... aller hop, debout !
Ihhi, c'est marrant ça, je me sens plus léger... ah ben oui forcément, je suis toujours allongé. Enfin mon corps est toujours allongé. Pas beau à voir : le torse est complètement déchiqueté et il y a du sang partout. Je n'ai pas la nausée, même pas le moindre sentiment de gène ou de remords... je crois que je suis mieux ainsi.

***

Quel enterrement bizarre j'ai eu... tout le monde pleurait, personne ne comprenait mon geste. Il était pourtant simple mon geste... c'était le témoin de mon égoïste forcené, mon incapacité à continuer à vivre pour les autres... je ne me supportai plus, mon dégoût de moi-même a fini par dépasser le supportable et je n'ai pensé qu'à soulager mon existence personnelle oubliant les autres. Mais c'était aussi le témoin de LEUR égoïsme, leur incapacité à me voir... à me soutenir. Je ne serais peut-être pas mort si ils m'avaient remarqué quand mon désespoir était si fort... mais peut-être n'ai-je pas montré mon désespoir... ou bien je n'ai pas fait attention à eux, toujours enfermé sur mes problèmes je ne voyais pas les autres.

***

Déjà un mois que je suis mort... mais je suis toujours là. La mort est monotone... enfin ma mort est monotone car j'ai le sentiment d'être un cas assez rare. J'ai rencontré d'autres morts en me baladant du côté du service d'urgences de l'hôpital, mais ils ont tous disparu maximum une heure après avoir cessé de respirer. Que fais-je donc encore ici, dans ce cadre qui m'a conduit au suicide ? Je ne saurais le dire... je ne le saurai peut-être jamais...

***

Aujourd'hui, je suis retourné du côté de chez mes anciens amis... je ne sais pas trop pourquoi je ne l'ai pas fait plutôt. Peut-être avais-je peur de ce que j'aurais pu voir. En tout cas, cette visite m'a beaucoup attristé. La vie continue pour eux, certes mais tout de même... je ne comptais vraiment pas ? Pourquoi aucun d'eux n'a senti ma présence... seuls les animaux ont semblé me reconnaître.

***

Près de l'hôpital, j'ai rencontré un mort, enfin plutôt une morte plus résistante que les autres... elle s'appelait Françoise, elle est restée auprès de moi pendant deux jours entiers. Je me suis senti très proche d'elle, j'aurais voulu partir avec elle... mais elle s'est volatilisée seule et je suis resté. Quand elle est partie, Elle avait un sourire sur les lèvres... elle semblait soulagée, libre. Avant qu'elle ne parte nous avons beaucoup parlé. Elle était morte dans un accident de voiture... elle était au volant. Elle se sentait coupable et me disait ne pas vouloir partir. J'ai réussit, je crois, à lui enlever ce sentiment de culpabilité et elle est partie. Est-ce pareil pour moi ? Non, je ne me sens pas coupable... enfin je ne crois pas, je suis triste c'est tout. De quoi devrais-je me sentir coupable ?
Ce n'est pas ma faute si... elle... est morte. Non ! elle n'avait qu'a pas se trouver là quand je me suis flingué et elle ne se serait pas jeté par la fenêtre.

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Depuis que j'ai rencontré Françoise je crois savoir ce que je fais ici... enfin pourquoi je suis ici. Je suis un MEURTRIER... je l'ai tué en me tuant. Mais maintenant qu'est-ce que ça change ? J'aimerais partir, disparaître enfin et pouvoir oublier. Mais c'est impossible, pour partir il me faudrait m'affranchir de ce poids sur ma conscience... comment me libérer d'un crime que J'AI commis.

***

Ce matin j'ai aperçu ma " victime " dans les allées du cimetière où mon corps sert de nourriture aux vers de terre. Elle s'est enfuie en me voyant. Mais l'important c'est qu'elle soit là elle aussi... il faut que je la vois, elle aura peut-être un moyen de partir enfin.

***

Nous allons bientôt partir, je sens déjà mon aura qui s'effiloche. Elle est revenue sur ma tombe le lendemain de notre première rencontre post-mortem. Cette fois elle ne s'est pas enfuie, Nous avons pu parler : elle se sentait coupable de ma mort, elle disait qu'elle avait remarqué mon état bizarre sans jamais réagir, alors en me voyant m'exploser la cage thoracique elle n'a pas pu s'empêcher de mettre fin à ses jours. Depuis cette rencontre, nous ne nous sommes plus quitté. Nous avons partagé nos joies... et surtout nos peines. Mais ce matin nous avons senti un changement, le monde autour de nous était plus flou, nous étions plus légers... et plus le temps passe plus nous nous dispersons. Ce soir, nous serons ailleurs... ou nous ne serons plus, je ne sais pas. Comment expliquer l'arrivée de ce phénomène que nous attendions tout deux depuis de longs mois ? Je ne sais pas... enfin je crois avoir une explication mais... est-ce que l'union de nos deux auras cette nuit pourrait être l'explication ? Comment savoir... d'ailleurs je m'en moque, je vole vers une fin tant attendue dans la sérénité.

***

Je n'ai pas disparu... enfin si dans un certain sens, car je ne flotte plus. Disons que je suis de retour dans le monde des mortels. J'ai retrouvé un corps. Pour l'instant je baigne dans le liquide amniotique mais je sortirai bientôt. Elle est là à mes côtés... nous ferons de beaux jumeaux... enfin des faux jumeaux mais bon des jumeaux quand même. Je me demande si je me souviendrai de tout ça dans quelques mois. Je ne le pense pas, d'ailleurs je sens que j'ai déjà oublié pas mal de choses...

Fin... ou début c'est selon ;-)


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