07/04/2003 - Eric Van Cutsem
Le Coeur de linformaticien.
Je marche, mes pensées en bandoulière. De trottoirs en passages pour piétons, je me rends chez mon ami Fred. Là où il travaille. Dans cette sorte dusine à programmes qui occupe un étage dun immeuble à bureaux du centre-ville. Cest toujours allumé, de jour comme de nuit, vous ne pourriez pas le manquer si vous passiez par là.
Fred a tenté de mexpliquer des dizaines de fois ce quil fait dans sa ruche à ordinateurs. Créateur, quil se prétend
Il écrit des milliers de lignes de programme dans un langage que les machines peuvent comprendre. Elles peut-être, mais pas moi, en tout cas.
Si vous voyiez ces programmeurs, vous auriez vite fait de les comparer à quelques colonies de fourmis ou de termites saffairant à une tâche dont dépend lavenir de la société. Ils sagitent, se dandinent, gesticulent, se démènent et butinent de claviers en claviers, nourrissant quelque reine qui pond sans arrêt. Jai jamais compris. Jai jamais cherché, il faut bien dire !
Un jour, au cours dune de ses explications, Fred ma montré lalvéole de la reine, le centre, le coeur, comme ils lappellent tous. La salle des machines, quoi ! Et la meilleure, cest quils les chouchoutent leurs machines ! Dehors, tout le monde crève de chaud, et ces ferrailles fonctionnent dans une atmosphère de plus ou moins 20°
Et tous les informaticiens fourmillent autour de ces monstres de métal, de mémoires et de circuits pour les nourrir encore et encore avec toujours plus dinformations.
Sacré Fred
je me demande ce qui leur arriverait, à tous, sil y avait une panne
Enfin, cest pas le tout, Fred, cest quand même un copain, un pote denfance, et son boulot, cest son boulot et cest pas parce que je ny comprends rien que
Allez, encore deux feux, un trottoir, une pizzeria et jy suis, on ira manger quelque chose ensemble, Fred et moi.
Tiens, il ny a plus de lumières à leur étage. Sans doute une panne de courant ! Bah, je vais monter à pied, ça me fera un peu dexercice, après tout
Quel silence ! Pas un bruit, pas même un souffle ou un battement de coeur. Juste la lumière de cette fin de journée dété passant les persiennes et éclairant une atmosphère de poussière
Jose à peine avancer dans le couloir tant chacun de mes pas semble résonner dans limmeuble, des fondations au toit. De bureau en bureau, ils sont tous là, sans mouvements, une main en lair, en train de sasseoir, de se lever, de taper sur leur clavier. Même Fred, que jai fini par trouver dans le bureau dun collègue, parcourant un listing pour léternité
Immobiles, quils sont tous, comme si leur vie sétait suspendue en même temps que celle de leurs machines !
Il va bien falloir que je trouve les plombs qui ont sauté
1.11.89
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