15/09/2003 - Eric Van Cutsem
La tête dans le sac.

Une éternité… J’ai l’impression que cela fait une éternité que l’on m’a mis ce sac sur la tête. Et depuis, plus aucun bruit… Le silence et le noir… Le noir absolu et le silence oppressant.

Ma gorge me fait mal, la corde qu’ils ont employée pour fermer le sac me brûle et m’empêche de déglutir normalement. Si bien que j’avale sans cesse ma salive et que la soif commence à me ronger… Et depuis quelques heures - enfin, ce que j’estime être quelques heures - la toile de jute du sac me donne d’horribles démangeaisons sur le visage. Si mes mains n’étaient pas attachées… J’ai réussi à frotter ma tête contre un des murs, mais les démangeaisons ont repris de plus belle me rendant presque hystérique.

Cette fois, je me suis gratté au mur avec une telle violence que j’ai senti quelques gouttes de sang chaud perler sur mon front et couler le long de ma joue. Les démangeaisons ont fait place à la douleur. Mon visage tuméfié semble avoir doublé de volume.
À force de respirer à l’intérieur du sac, l’atmosphère y devient de plus en plus chaude et humide. L’air se renouvelle lentement, très lentement… Je ne tiendrai sans doute plus longtemps dans cet état…

Mais que me veulent-ils à la fin ? Qu’on en finisse ! Ils ne vont pas me laisser crever comme ça. Je ne dois pas m’énerver, non, je ne dois pas… La sueur coule sur mon visage et dans mes yeux. Il fait si chaud. Mes yeux me piquent atrocement. Je les ferme et les rouvre rapidement afin d’en chasser la sueur et le sang… et peut-être aussi dans le secret espoir de sortir de ce cauchemar abominable en un clignement des yeux.

Des pas dans le couloir attirent mon attention. La porte s’ouvre dans un grincement strident à la limite du supportable… Mes nerfs sont à vif. Pas une parole. D’après les pas, ils sont deux, plutôt lourds et costauds. Ils m’empoignent, un de chaque côté, et me soulèvent pratiquement du sol. Vu leur force, il est inutile de résister, surtout dans l’état de faiblesse où je me trouve… Je ne crie même pas, qui viendrait m’aider, qui pourrait m’entendre ?

Mes douleurs ont fait place à une indicible peur, sourde, re-montant le long de mon échine dans un frisson sans fin. De couloirs en en volée d’escaliers, traîné plutôt que marchant, j’essaie de percevoir le moindre bruit. Des voix, des pas, tout me parvient étouffé, atténué, presque sépulcral. Ma tête me fait à nouveau mal et des frissons ne cessent d’agiter mon dos dans des tremblements de plus en plus incontrôlables. Ils s’en sont aperçus sans doute, car ils m’ont aidé à me redresser et m’obligent maintenant à marcher tant bien que mal…

Les marches en bois résonnent sous mes pas, et les bruits sur le plancher prennent des allures de sons de grosse caisse… Ils me lâchent. Je vacille, je titube, j’ai l’impression de flotter. Les pas s’éloignent, redescendent les marches. Un bruit. Quelqu’un derrière moi s’approche, il touche mon cou, il va peut-être me délivrer enfin de ce carcan de corde. Non, il s’éloigne lui aussi, me laissant à nouveau seul… Ma gorge me brûle de plus en plus. Même si je voulais, je ne pourrais plus sortir un son intelligible… Je suis atteint d’une irrésistible envie de tousser.

Je m’efforce d’entendre le moindre son. Au lointain, des voix font écho aux bruits de pas… A côté de moi, un bruissement, un levier que l’on ma-nipule et sous moi, le bruit d’une trappe qui s’ouvre…

Éric Van Cutsem 14.12.89


Réagir à ce texte (e-mail à l'auteur) :
Prénom (obligatoire) :
Nom (obligatoire) :
E-Mail (obligatoire) :
Votre commentaire :

      


http://www.babelweb.be • Babelweb © 2001 - 2013 tous droits réservés