20/09/2003 - Philippe Halvick
Les papillons bleus

… C’était la fin de l’été. L’automne pointait le bout de son nez. Le soleil brillait et le vent agitait les épis de maïs. Il faisait chaud. Très chaud. L’air était lourd. L’orage n’était pas loin. Les papillons bleus, les monarques, le sentaient. Ils avaient commencé à prendre l’air comme des essaims. Ils dessinaient dans l’air des arabesques. Tout le monde savait ici que cela annonçait du mauvais temps…

John Turlops était policier depuis dix ans dans la province canadienne près de Kamloops. En fait il avait passé toute sa vie en Colombie britannique. Un brin d’herbe entre les lèvres, assis dans sa voiture de patrouille, le constable regardait le paysage. La température était trop élevée pour simplement songer à faire un geste inutile.
C’était plus agréable de regarder voleter les monarques. Comme tous les habitants de ces lieux, il connaissait bien les habitudes de ces papillons. Ils allaient bientôt partir pour leur longue migration. La nuée bleue parcourait comme tous les ans des milliers de kilomètres pour passer l’hiver bien au chaud au Mexique. C’était un spectacle qui ravissait le cœur de l’homme le plus endurci, mais qui faisait trembler les paysans pour leurs cultures. Ces petites bêtes quand elles migraient par millions avaient un appétit féroce et pouvaient dévaster un champ.
Pendant quelques années les papillons avaient presque disparu. Des industriels avaient essayé en manipulant génétiquement le maïs de le rendre non comestible pour ces insectes. Au début, cela avait marché et des milliers de milliers de monarques étaient morts de faim.
John sourit. La nature était une sacrée garce. Elle savait s’adapter. Les monarques étaient revenus plus nombreux qu’avant et maintenant ils mangeaient ces aliments réputés indigestes pour eux.
Cette histoire faisait bien rire le policier. Il ne se lassait pas de contempler ces hordes de petites créatures volantes. Dommage qu’il soit venu dans ce pré pour le travail. Il soupira et sortit de sa voiture. Il aurait été bien mieux dans son bureau climatisé au lieu de venir enquêter sur la disparition d’un vieux paysan. Il hocha la tête d’un air las.
Le vieux Burt n’était pas rentré à l’heure du repas et sa femme Martha s’en était inquiétée. Alors, qui avait-elle appelé ? Lui, le brave constable débonnaire. Ce genre de tâches était partie intégrante de son travail, comme les pompiers allaient aider les chats coincés dans les arbres.
À un bout du champ, le policier voyait un engin agricole arrêté. Il se dirigea vers lui sous la chaleur écrasante. De gestes instinctifs, il chassait les papillons trop aventureux qui voulaient se poser sur lui. Heureusement que le gros de leur troupe se tenait plus loin. Il n’aurait pas été amusant de se frayer son chemin à travers une nuée de ces bêtes. Il s’arrêta et héla au loin.
« Burt ! Qu'est-ce que tu fais ? Ce n’est pas ton style de rater le repas ! »
Aucune réaction. Qu'est-ce qui était arrivé au paysan ? Il avait dû s’endormir dans son coin… peut-être avec un bon coup dans le nez. Ce sacré Burt avait la manie de goûter tout ce qui titrait plus de vingt degrés d’alcool. Son petit vice était de notoriété public.
En avançant, John vit des bottes qui dépassaient de sous le châssis du tracteur. Elles ne remuaient pas.
Le policier fit la grimace. Ce qui pouvait être moins drôle c’était s’il avait eu un vrai problème, une crise cardiaque ou un accident avec son tracteur. Ce genre de macabres découvertes faisait aussi partir du boulot. Il valait d’ailleurs mieux que ce soit lui qui fasse ce genre de constatation qu’une femme âgée et émotive.
« Burt ! Alors ! »
John donna un coup de pied léger dans une des bottes. Elle faillit s’envoler. En aucun cas, il n’y avait un corps humain là-dedans. Il faisait une blague de potache, il était retombé en enfance l’ancêtre, ou quoi ?
De mauvaise humeur, le policier se baissa et saisit l’objet du délit. La chaussure lui resta dans la main avec une chaussette. Un moignon de chair sanguinolente s’y trouvait. De surprise le policier lâcha le tout. Il ne s’attendait pas à une telle chose ! Nerveusement, il se mit à tripoter le holster de son arme de service. Un animal féroce avait dû attaquer et dévorer le pauvre cultivateur.
« Bonjour ! »
John, une nouvelle fois fut complètement stupéfait. Il faillit dégainer et abattre le nouveau venu qui le saluait. Au dernier moment, il suspendit son geste. Face à lui, ne se trouvait pas le gueule béante d’un ours ou de tout autre animal, mais un homme en complet veston avec une sacoche d’analyse. Il n’avait pas du tout l’air d’être affamé ou de s’être rassasié de Burt.
« Police ! Qui êtes-vous et que faites-vous ici ? »
Ce n’était pas juste de se passer les nerfs sur cet individu, mais le policier ne put s’empêcher de lui parler durement. Il devait s’avouer au fond de lui-même que c’était peut-être pour se donner une contenance de façade.
« Du … du calme ! Je suis juste un biologiste ! Je suis venu voir les résultats de … »
L’homme venait d’apercevoir ce qui restait de jambes à Burt.
« C’est … c’est un ours ? Ou un loup ? »
« Non, ils ne feraient pas cela. Ces animaux sont sauvages et ils ne s’approchent que lorsqu’ils ont une bonne raison. De toute façon, ces animaux ne sont agressifs que lorsqu’ils ont faim ou peur. En septembre, ils mangent à leur faim et un homme sous un tracteur, il n’y a vraiment pas de quoi les effrayer. Il y a eu autre chose… »
Le policier regarda, soupçonneux, l’arrivant.
« Quel est votre nom ? »
« Jill Haas. Je suis spécialisé en génétique… »
« Ah ! Un de ces tarés qui modifient le maïs… »
L’homme foudroya le policier.
« Oui, je modifie le maïs mais je suis pas le docteur Frankenstein, nous sommes en train … »
« Vous m’expliquerez tout cela à ma voiture de patrouille. Je vais appeler le légiste et je ne veux pas perdre un… témoin potentiel. »
« Vous croyez que j’ai pu faire une telle horreur ? »
John hocha négativement la tête.
« Non, mais vous avez peut-être vu un détail qui peut nous aider à résoudre ce mystère. Ensuite si le truc qui rode dans le coin revient, je pourrai vous protéger. »
Il tapota d’une main, d’un air protecteur, l’étui de son revolver, tout en chassant les papillons de l’autre. Le biologiste haussa les épaules, comme un martyr, il estimait que cela ne valait pas la peine de protester. Les deux hommes retournèrent au véhicule du policier.
Les monarques, par leur nombre, devenaient vraiment envahissants. Pour avoir un peu de répit, John et Jill s’enfermèrent dans l’habitacle et fermèrent les fenêtres. Les papillons cognaient aux fenêtres, comme s’ils voulaient rentrer eux aussi. Les doux grattements de leurs pattes et de leurs ailes crissaient doucement sur la carrosserie et les carreaux.
Le policier appela ses collègues. L’électricité apportée par l’orage qui approchait parasitait la communication, mais John réussit à leur raconter ce qu’il avait découvert. Ils l’avertirent qu’ils seraient sur place dans une petite heure avec une ambulance. John s’installa confortablement sur son siège et brancha la climatisation.
La machinerie peinait à fournir de l’air frais. L’essaim de monarques avait encore grossi et recouvrait presque entièrement le véhicule, ainsi que les grilles d’aération. Excédé, le policier déclenchait de temps en temps les essuie-glace pour libérer le pare-brise. Les insectes étaient impitoyablement écrasés. Les autres, indifférents au sort de leurs congénères, les remplaçaient aussitôt.
« Alors, Monsieur le grand Biologiste, vous aviez commencé à me raconter ce que vous faisiez ici. Des manipulations illicites ? »
La voix du constable était chargée d’ironie.
« Je viens vérifier les plants... en toute légalité. Nous avons toutes les autorisations pour procéder aux tests qui sont en cours. Si vous le souhaitez, je vous montrerai les licences… »
Devant le geste négatif du policier, il continua.
« Nous avons apporté des gènes animaux au maïs pour qu’il essaye de provoquer des toxines pour écarter les parasites… »
D’un geste, il engloba le champ qui les environnait.
« … cela n’a pas l’air de gêner les papillons bleus ! »
« Ce sont des monarques ! Ils ont déjà survécu à une tentative de ce genre. »
« En fait, ce ne sont pas vraiment les papillons qui étaient visés, mais leurs chenilles. Elles dévorent les feuilles. »
« Dites, votre maïs, il a des caractéristiques d’animaux ? Vous ne lui avez pas donné des instincts de carnivore, par hasard ? »
Devant le ton soupçonneux du policier, Jill éclata de rire.
« Non, c’est de la science-fiction ! Ce sont des morceaux d’ADN que nous avons utilisés. Pour avoir ce type de comportements, il en faudrait beaucoup plus. Il faut des muscles, des nerfs et plein d’autres choses… non, ce n’est pas possible… du maïs tueur ! »
Sur la fin de sa tirade, le ton n’était plus aussi assuré.
« … d’ailleurs, pourquoi est-ce qu’il ne nous aurait pas attaqués ? De plus sous le corps de ce fermier, il n’y avait rien. Les plantes, cela ne se déplace pas ! »
John se frotta le menton.
« Dommage, cela nous aurait donné le tueur… Dites, avec toutes ces histoires sur la vache folle qu’il y a en Europe, vos plantes, là, ce n’est pas comme donner de la viande à des herbivores ? »
Jill eut un rire moqueur.
« Vous croyez que l’on risque d’avoir des papillons fous ? Ce serait original ! »
« Ben, ce n’est pas tout à fait à ce cas de figure que je pensais … »
Le policier se grattait la tête comme s’il venait d’avoir une idée qu’il jugeait particulièrement bête. Il prit une grande inspiration avant de reprendre. »
« Ils ne risquent pas de prendre goût à la viande et de ne plus faire la différence entre le maïs et les autres … animaux. »
« Les papillons ne mangent pas les plantes… ils ne font qu’aspirer le nectar des fleurs. Ce sont les chenilles qui mangent les feuilles. »
Le regard du policier devenait de plus en plus fuyant. Les grattements des insectes à l’extérieur semblaient l’oppresser. Malgré la température fraîche qui régnait maintenant dans l’habitacle, il commençait à suer à grosses gouttes.
« Je sais… je sais, mais… »
« Allons, officier ! Vous êtes censé fonctionner avec des faits. Qu'est-ce qui plaiderait en faveur de cette hypothèse farfelue ? Déjà, pourquoi est-ce qu’ils ne nous ont pas agressés ? »
« Vous ne trouvez pas qu’ils sont de plus en plus nombreux ? »
« Et alors ? »
« Ces papillons sont capables de sentir les fleurs qu’ils préfèrent à des kilomètres à la ronde et de venir spécialement les butiner… s’ils cherchent de la viande, ils n’hésiteraient pas à ce déplacer… »
Les yeux du policier roulaient comme des billes dans leurs orbites. Il suait de plus en plus et jouait avec son arme de service. Jill lui aussi devenait nerveux, mais lui, il se méfiait du policier qui avait un comportement si bizarre. John continuait à monologuer sans se soucier de ce que faisait son compagnon.
« … À cette période de l’année, ils se regroupent, tous ces papillons et ils vont bientôt descendre du Canada et traverser les USA vers le Mexique... en chemin, presque distraitement ils ne vont pas cesser de se nourrir. Ils mangent à un endroit et sans raison particulière ils vont dédaigner un autre endroit. Ils vont tellement se gaver qu’ils vont multiplier leur poids jusqu’à six fois… les protéines animales sont bien plus riches… quelle aubaine ! »
Il se tut. Seul le bruit des papillons à l’extérieur se faisait entendre.
Jill ne pouvait s’empêcher de regarder ces insectes inoffensifs. Ils lui paraissaient avoir un comportement normal, mais il n’était pas un spécialiste en comportement du monarque. C’était fou, ces animaux lui semblaient grossir à vue de nez. Leur trompe qui s’agitait, s’enroulait et se déroulait sur les carreaux, donnait l’impression d’intentions hostiles. Ce devait être un effet de son imagination en roue libre.
« Hum… policier… »
Il réussit enfin à capter l’attention de John. Il posa sur lui des yeux absents.
« Si… je dis bien si vous avez raison, vous ne pensez pas qu’il faudrait s’en aller et prévenir vos collègues ? »
Le constable fit un bond et sembla se rendre compte de l’endroit où il se trouvait.
« Oui… oui ! »
Il se jeta sur la radio et avant d’avoir pu prononcer un mot, il la reposa.
« Qu'est-ce que je vais leur raconter ? Faites attention aux papillons ? Ils vont croire que je suis soul ou que je leur fais une blague ! Il me faudrait une preuve… »
« Dites, vous ne croyez pas que si vous avez raison, cela serait dangereux de sortir, non ? Prévenez-les et ouste, allons-nous-en ! »
L’air triomphant, le policier se tourna vers lui.
« Ah ! Vous savez quelque chose ! »
Le biologiste le regarda surpris en pensant que le policier était complètement paranoïaque.
« Mais non, c’est vous qui me faites peur ! Appelez ! On en aura confirmation ! »
John prit le micro dans la main et s’humecta les lèvres.
« Dites une petite question comme cela, en passant, il y a beaucoup de champs comme celui-là avec vos plants « améliorés » ? Depuis combien de temps les faites-vous pousser ici ? »
« Quelle importance ? Moi, je suis juste chargé de vérifier cette zone, comment voulez-vous que je sache ce que font mes collègues ? Je travaille dans une multinationale qui a des intérêts dans le monde entier ! Il n’est pas rare que plusieurs tests soient réalisés ! Un grand échantillon augmente la valeur des résultats statistiques ! Je ne sais pas depuis combien de temps ces essais durent… j’ai rejoint cette société il y a moins de deux ans… »
Il ne pouvait plus s’empêcher de claquer des dents. La folie lui semblait contagieuse.
« Mais c’est possible ? C’est possible ? »
« Comment voulez-vous que je le sache ? Vous voulez sortir pour le savoir ? Moi pas ! Même si votre histoire c’est de la folie douce, moi je ne suis pas payé une misère pour risquer ma vie. Mon travail c’est de collecter des échantillons de maïs, pas de me faire dévorer tout cru ! Foutons le camp ! Appelez vos collègues ! Qu’ils viennent avec des équipements anti-guêpes, cela les protégera… »
John, d’une main tremblante mais décidée, brancha enfin la radio. Il essaya de joindre ses collègues, mais seuls des parasites lui répondaient. L’orage était trop proche. Il interdisait maintenant toutes les communications hertziennes.
Après réflexion, le policier mit en route la voiture et prévint son compagnon qu’il allait essayer de rejoindre la ferme du vieux Burt. Martha lui permettrait bien de passer un coup de fil et elle avait le droit de savoir ce qui était arrivé à son mari.
La conduite sur le chemin cabossé était difficile. La visibilité était minimale avec les papillons qui venaient s’écraser en masse sur les vitres. C’était pire qu’une invasion de coccinelles en Floride ! Le tout s’écrasait et faisait une espèce de purée gluante et opaque. Aucun des deux hommes ne proposa de sortir pour essayer de nettoyer.
Le tout faisait que la voiture ne dépassait pas en vitesse de pointe les deux miles à l’heure et qu’elle était obligée de s’arrêter tous les cent mètres pour pouvoir passer les ornières avec beaucoup de précautions. Les papillons semblaient s’acharner sur la voiture. Ils n’avaient aucun mal à la suivre.
Enfin, la ferme fut en vue. John klaxonna pour avertir de son arrivée.
« Vous êtes fou ? Si elle sort ? Il faut lui faire comprendre de rester à l’intérieur… »
Le biologiste se mordit les lèvres.
« Vous avez un extincteur ? »
Le policier lui tendit le petit appareil qui était fixé sous le tableau de bord. Jill regarda attentivement la notice.
« C’est du gaz carbonique. Cela va calmer un peu leur ardeur. »
Malgré la chaleur qui les attendait à l’extérieur de la voiture, les deux hommes se couvrirent au maximum. Ils ne pouvaient pas s’empêcher de penser sans se l’avouer qu’ils étaient ridicules ainsi.
D’un bond, ils jaillirent de la voiture et ils se précipitèrent vers la maison. Les monarques s’abattirent sur eux. Jill, par de petits coups de gaz carbonique repoussait leurs attaques. Les papillons touchés s’abattaient comme des mouches.
Sans demander leur reste les deux hommes foncèrent sous le porche de la maison et s’engouffrèrent à l’intérieur. Ils claquèrent la porte derrière eux. Les quelques insectes qui les avaient suivis furent vite éliminés. En nombre si petit, ils n’auraient pas représenté une menace bien sérieuse de toute façon.
Le policier, effaré, regarda ses mains. Elles étaient recouvertes de petites marques comme des suçons. Jill, voyant cela, regarda aussi ses mains. Elles portaient les mêmes marques. Le visage de chacun blanchit de peur. Il n’y avait plus de doute. Les papillons étaient bien en cause. Sans se concerter, ils filèrent vérifier que les fenêtres et les portes étaient bien verrouillées. Pour l’instant la place semblait sûre.
Le policier se rua à la recherche d’un téléphone tout en appelant Martha. Il finit par dénicher un combiné dans un coin. Il appuya comme un fou sur la fourche pour obtenir la tonalité, sans aucun résultat. Il se mit à jurer. Jill, lui, pendant ce temps explorait et vérifiait une nouvelle fois la maison.
« Officier ! Venait voir ! Je crois que je viens de trouver la propriétaire des lieux … »
« Et alors ? Dites-lui de venir ! »
« Elle ne peut pas… elle est morte… »
Sur le front de John une ride de tristesse se creusa.
« Pauvre Martha… qu'est-ce qui lui est arrivé ? »
Le biologiste soupira.
« Ben d’après ce que je peux en voir, elle attendait à l’extérieur en fixant le champ d’où nous sommes venus et elle s’est fait dévorer. »
Le policier soupira.
« Il faut que nous prévenions l’extérieur et mes collègues… ils risquent de tomber sur ces saletés et sans avoir le temps de comprendre ce qu’il se passe… »
Il n’eut pas besoin de préciser sa pensée. Le tonnerre grondait au loin.
« Le téléphone ? »
« Il ne fonctionne pas… »
« Bah ! Tout ce qu'il nous reste à faire c’est d’attendre, bien à l’abri. »
Les papillons s’agitaient de plus en plus à l’extérieur.
« Et après ? »
Le ton du policier était inquiet. Le biologiste était intrigué.
« Ben, nous ne craignons plus rien… »
« Nous oui et qu'est-ce qu’il va se passer ? »
« Ben, dès que nous pourrons le faire, nous détruirons tous ces plants transgéniques et les papillons finiront bien par mourir ? »
John se mit à sourire tristement. La nature est une sacrée garce !
« Oui et s’ils ne mouraient pas tous… ils ont commencé à goûter à la viande et maintenant ils savent comment s’en procurer ailleurs que sur les plantes. »
Le biologiste commençait à s’animer et à agiter les bras.
« Ils ne peuvent pas faire grand-chose. La pluie va les balayer… il y a des insecticides ! »
Le policier secoua tristement la tête et poussa un faible ricanement.
« Ce sont des monarques… la pluie… ce n’est pas un peu d’eau qui va les effrayer… C’est la saison, ils vont partir et traverser tous les États-Unis et semer la destruction, oui… Quand aux insecticides tout le monde a déjà vu ce que cela pouvait donner… »
Il fixa tristement les papillons bleus qui voletaient de plus en plus nombreux dans le ciel. Les coups de tonnerre étaient de plus en plus proches. Au loin, des sirènes de voitures de police se faisaient entendre. Elles se rapprochaient aussi.
John s’assit tristement par terre. Le biologiste avait raison. Il ne restait plus qu’à attendre. De toute façon, il ne pouvait rien faire. Il ne pouvait plus qu’espérer… que ses camarades comprennent assez vite… que ce ne soit qu’un cauchemar… qu’il se réveille… que…
De grosses larmes se mirent à couler de ses yeux pendant qu’il fixait le lointain et les champs qui ondulaient comme une immense mer jaune. Il ne fit rien pour essayer de les retenir ou de les cacher.
Jill ouvrit la bouche. Il resta un instant comme cela sans qu’un mot ne sorte. Plusieurs fois il essaya de parler, mais sans succès. Puis au bout d’un moment, il s’assit en silence à côté du constable.

… C’était la fin de l’été. L’automne pointait le bout de son nez. Le soleil brillait et le vent agitait les épis de maïs. Il faisait chaud. Très chaud. L’air était lourd. L’orage n’était pas loin. Les papillons bleus, les monarques, le savaient. Ils avaient commencé à prendre l’air comme des essaims. Ils dessinaient dans l’air des arabesques. Tout le monde savait ici que cela annonçait du mauvais temps…


FIN


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