29/11/2003 - Benjamin Weiss
La vengeance du clone

Pamphlet d'une douzaine de chapitres dont voilà le premier.

C'est l'histoire d'un clone (histoire futuriste) qui prend conscience de sa personne, il ne fait que souffrir, attendant sa vengeance, jusqu'au jour où la société inhumaine tant haïe a besoin de lui.


CHAPITRE I

Cette histoire commence comme elle se termine. Outre les considérations que l’on pourrait me faire, il est difficile de croire ou d’avouer que l’on est déjà si proche de la réalité. Trop proche.
Cette histoire constitue en elle-même une apologie de tous les sentiments humains, les bons comme les mauvais. Sachant que l’enfer est pavé de bonnes intentions, c’est une longue route que la poursuite de cette lecture. Mais je puis vous assurer qu’elle mène au repos éternel. Poursuivre conduit à la délivrance.

Qui est donc le responsable de mon malheur ?

Je crains que ce ne soit que le hasard. Ce qui a guidé le genre humain aux portes de sa création et soudain par peur ô combien trop tardive tente de lui retirer les clefs. Si un quelconque observateur pouvait jeter un regard sur notre court univers, il ne saurait le dissocier par son apparence et son éclat d’une petite bougie. Moins éphémère que lui pour mes yeux ouverts.
Mes yeux. Je ne peux oublier qui me les a donnés, et ainsi contraint à voir. C’est par une vision bien plus terre à terre que je parviendrai à vous faire comprendre Notre histoire. Car avant que vous ne commenciez à vous créer des illusions protectrices, sachez que tout le monde est dans le coup. Notre histoire est ainsi.

Ma naissance aurait dû être le commencement. Pourtant, ceux qui reviennent couverts de sang ont souvent essayé d’appuyer mon propos. Notre histoire commence avant. Je n’ai jamais été confronté à une autre haine que la mienne. Ou d’une certaine manière, je l’ai peut-être rencontrée indirectement.

Le monde des hommes est à leur image. J’en ai vu assez pour m’en faire cette opinion. Les hommes n’ont cessé de respirer leurs vies et le seul moyen de la prolonger était de la recréer. Après une observation de plusieurs millénaires, ils sont parvenus à dompter la nature et ses fondements. Mais ils ignorent que l’appropriation de la mort ne l’oblige qu’à fructifier. Le fruit défendu n’a jamais eu meilleur goût.

La technologie, le progrès. Donnez-lui le nom que vous voudrez. Il ne remplacera pas l’énergie que vous mettez en lui. Vous le nourrissez comme votre voiture qui perd son huile et pollue votre terre. Nous sommes devenus les esclaves de notre œuvre et chaque jour elle nous offre la capacité de prolonger notre existence afin de la servir. Nous sommes ses machines qui deviennent de plus en plus éprouvantes à réparer et même remplacer. Dans le garage crasseux qu’est devenu notre monde, les médicaments sont autorisés à subsister mais pas la mort. Perdre ses ouvriers est devenu pour la modernité intolérable. Comme pour la plus endommagée des automobiles, le recyclage est la seconde solution. L’idée maîtresse qui a su s’insinuer est le remplacement des éléments défaillants.

Le clonage. Voilà la solution finale qui m’a plongé directement dans l’abîme des sentiments humains par la pire des façons qui soit : la vie.

La date des faits que je vais vous narrer n’a aucune importance en soit. Elle dépend seulement d’une erreur qui s’est révélée avec le temps puis la mort. À cette époque, les naissances destinées à être viables sont plus ou moins assistées avant la fécondation et tout le monde trouve cela normal. Des années passeront précédant la publication du fait divers intitulé « Excès d’humanité ».

Pour les privilégiés qui sont passés par les griffes de la manipulation, non seulement ils correspondent de près aux désirs des géniteurs et de la planète, mais de plus ils sont indissociablement deux. Lors de la fécondation, l’ovule et la tête du spermatozoïde forment une cellule qui devient deux, quatre, huit, etc. Il suffit de séparer en deux parties égales avant que le tout ne prenne une apparence de foetus et la science s’approprie un jumeau pour pas un rond. Un jumeau seulement est autorisé par la loi. Le premier, considéré comme un humain à part entière est placé dans l’utérus de la personne qui a fourni l’ovule. Il travaillera pour que le monde arrive un peu plus vite à son implosion.

Le second est une réserve, un champ qui produit les pièces de réparation à la machine destinée à souffrir et faire souffrir. La vie reste une question de hasard qui, en gardant un pouvoir de malédiction sur les hommes, leur permet de s’utiliser entre eux, comme ils l’ont toujours fait.
Les cellules de réserve sont cultivées à la même vitesse que l’humain correspondant. Conservé à une température de 18 °c, le fonctionnement physiologique n’a jamais fait défaut et la croissance a toujours été satisfaisante. Les premiers clones étaient surveillés de toutes parts et les cardioencéphalographes montraient une inactivité évidente. Le suivi a été arrêté, jugé trop onéreux pour une recherche qui s’avère inutile.
L’expérience est une réussite. La greffe d’organe est chaque fois plus réussie et chaque cellule du clone est prête à l’emploi.

Cette histoire est imprégnée de noirceur qui en a fait son décor et ses personnages principaux. Pour vous ouvrir les portes de la souffrance, il est temps que je vous dévoile ce que je suis.

JE SUIS UN CLONE.

Je suis le fruit de votre monde, la haine incarnée, la créature la plus ingrate qui soit. La vie que l’on m’a donnée je la récuse, car il faut me traiter d’humain pour me permettre de ressentir moins de honte à recracher la bouffée d’air que j’ai inspiré par mégarde. Mais personne ne m’a prévenu, et je suppose que vous non plus. À votre naissance, on ne vous a pas rassuré en vous disant...

Dès votre plus tendre enfance on vous a parlé. Que vous le vouliez ou non, un son de voix s’est un jour offert à vous et personne n’a pu éviter d’en abuser. J’avoue avoir commis le même acte à l’instant où j’ai pu entendre. Pourtant, cet instant était baigné de lumière.

J’ai longtemps ignoré mon âge. Là où j’ai vécu, trop peu de chose ont de l’importance. Ma vie ne se résume qu’à un seul souvenir. Malgré mon statut dans la société humaine, j’ai une vie.


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