06/12/2003 - Zacharielle
Ahem

La révolution industrielle a engendré une catégorie sociale nouvelle, le monde ouvrier, dont les conditions d’existence sont des plus misérables. Au milieu du XIXe s., la majorité des travailleurs est salariée dans de petites entreprises de moins de dix personnes…

— On est bientôt arrivés ?
L’art d’apprendre son histoire en voiture. Je suis vraiment une nulle.
— Dans 10 minutes.
L’art de répondre à côté de la question. Sans commentaires.

... de moins de dix personnes et les ouvriers ne font pas tous partie du prolétariat.

Mais quelle manie de ne jamais rien faire comme les autres ! Rah, les ouvriers ! Tant pis, j’abandonne. J’aurais encore une sale note, pour changer. Ah, Cambrai. Enfin. Bon, je l’admets, on n'a pas à aller fêter l’anniversaire d’une cousine à Paris le jour précédent un DS très important d’histoire.
Mais ! C’est de moi dont je parle ! alors le « on » (pronom impersonnel) ne me concerne pas. Il pleut. Je maudis ce mois d’octobre.
— Maudite sois-tu !
Par chance, personne ne m’entend. Excusez-moi : « on » ne m’entend pas. Je me maudis moi-même.
— Maudite suis-je ?
Affreux doute. Dit-« on » maudite suis-je ou maudite sois-je ? Tant pis, ça n’a pas d’importance. Je n’ai qu’à me bénir.
— Bénie sois moi-je !
Ah ! Ça fait plaisir de s’aimer.

Prise de conscience. Si personne ne m’écoute, c’est que personne ne fait attention à moi. Et si personne ne fait attention à moi, c’est que je suis transparente.
— Je suis un fantôme !
Une montagne de tête se tourne vers moi en un seul mouvement. Chic ! « On » m’écoute ! J’existe ! Je me sens revivre et je souris.
— Tu es folle ma fille.
— Oui.

C’est tout ce que j’ai trouvé à répondre : je ne mens jamais. Enfin, très rarement. Remarque de temps en temps… Je vois défiler le boulevard de la liberté. Le stade. La piscine. Notre-Dame. Jeanne d’Arc. La boulangerie. Tiens, y’a du monde au rond point. Tout pour plaire. La pluie redouble d’intensité. Je regarde mélancoliquement au-dehors. Il y a quelques personnes courageuses planquées sous leurs capuches. Je ne souris plus. Tout à coup, je me sens désespérée. Désespérée à mourir. Allez, hop, je me suicide. Je pose la main de sur la poignée. Zut on avance. Me suiciderais quand on sera arrêté. C’est plus sûr. En attendant, je pense à ma famille quand je serais morte. Je la vois toute réjouie et qui s’éclate bien. L’envie de mourir s’évapore en un instant. Autant embêter mes parents, ma sœur et mon frère jusqu’au bout.

Les essuie-glace font bien leur travail. Tellement bien que je me surprends à vouloir devenir un essuie-glace. J'aime la perfection : je m'aime. Essuie-glace, une fonction d'avenir. En effet : qui n'a jamais rêvé d'essuyer les gouttes de pluie sur le pare-brise ? Au moins, c'est un métier qui rend service à « on ». « On » doit en être ravi.
Nous arrivons.

— Est-ce que c'est possible de devenir un essuie-glace ?
— Elle doit être fatiguée, dit mon père.

Je sais pertinemment qu'il dit ça plus pour se rassurer que par acceptation de la réalité. Il doit être choqué que sa fille veuille faire de son avenir un essuyage de vitre. C'est normal, je comprends.

— Alors, qu'est-ce que je pourrais faire plus tard ?
— J'en sais rien moi ! Docteur, avocate...
— ou essuie-glace ?
— Si tu veux.

Oui ! Avec ce « si tu veux », papa donnait vie à mon rêve ! Il est possible de devenir essuie-glace ! Mon coeur s'emballe. Extase.
Nous entrons dans la maison. Silence. Papa essaye d'allumer la lumière. Ca ne marche pas : il fait noir.
— Grrr.
— Miaou !
— Le chat a faim, remarque-je judicieusement.
— Miaou !
— Grrr, dit papa.

Ahem.


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