15/02/2004 - Olivier Poudoulec
Ta main est encore mienne

Ta main est encore mienne. Celle que je pressais jadis alors que tu dormais, elle est là aujourd’hui, intacte dans ma paume, chaude, vibrante, et le souvenir de ces quelques soubresauts qui te naissaient parfois à l’index, au pouce, ces petits grains de folie moribonds dans tes doigts qui se propageaient dans les miens, enchevêtrés aux tiens.
Ce sont ces mêmes petits riens timides, mais volontaires qui apparaissaient sur tes traits de madone aigus, sur celui-ci où se nichent si précautionneusement les reliefs délicats de tes souffrances. Je restais éveillé, mon visage au-dessus du tien, aussi longtemps que me permettaient mes paupières fatiguées, mais confondu par le spectacle de la beauté des contours qui se dessinaient sur tes lignes de mère accablée.
Je visitais ces traces nocturnes qui couvraient ton front, tes joues, ton nez pour se perdre finalement, furtives au-delà du labyrinthe de la nuit mouvante. Je percevais aussi bruisser ta respiration courte au gré de tes lèvres entrouvertes, je remplissais alors ton souffle par mon souffle, tentait de retenir en toi ce qui nous rattache à la vie.
Parfois, j'effleurais ma main sur ton épaule nue, ou profitais d’un passage étroit, d’un pan découvert de ta chemise pour tisser une rencontre voluptueuse, une connivence douce entre main et peau.
Parfois aussi, je posais un ou deux baisers au creux de ton nez, à la lisière de ton œil clos afin de le délivrer de la prison qu’il habite. Dans les confidences de la lune creuse, dans le murmure des ombres muettes, il y avait de l’espace pour ce silence, pour les gestes lents qui distillent les blessures. Il y avait aussi de la place pour t’aimer au détour de ce grand lit qui parle.


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