28/08/2002 - Erwan Chuberre
Chapitre 2 - Chercher le garçon !
Yan a enfin oublié le visage bouffi de Cathy. Sorti de limmeuble, cest un garçon heureux et enjoué qui longe le grand boulevard durant quelques mètres pour prendre à droite la rue du Pas au loup qui donne direct sur la place des Vosges. En quelques semaines, le temps sest rafraîchi brutalement et le ciel devenait de plus en plus orageux.
Il y a peu, il sallongeait encore sur le ventre, écrasant lherbe verte de la pelouse de la place des Vosges, au soleil, à lire du Amélie Nothomb tout en surveillant de près son proche voisinage dans lespoir dune rencontre opportune. Lété, cette place étant fréquentée par de sublimes étudiants américains, aux épaules carrées et la mâchoire volontaire, il lui était déjà arrivé de ne pas finir son chapitre pour sadonner à un rodéo endiablé dans une chambre de bonne environnante de lun de ces beaux cow-boys !
Mais, ce soir, on est loin du paysage des chippendales, seuls des pépés promènent leurs chiens et leurs rhumatismes autour du parc fermé pour cause de gel soudain.
Sous les arcades de la place, malgré son petit retard, Yan en profite pour regarder dun il attentif les vitrines des galeries de peintres. Il se dit que lorsquil deviendra enfin riche et célèbre, il pourra aussi pénétrer dans ses antres luxueuses comme il entre actuellement chez Guerrisold, sa friperie préférée. Il aura autant daisance à choisir en connaisseur des oeuvres de maître que pour sélectionner sa petite chemisette psyché à trois euros. Mais, pour linstant, il se contente seulement dadmirer certaines toiles plus colorées et lumineuses les unes que les autres. Le futur César trônant sur sa cheminée, il aura bien assez le temps de se documenter sur les nouveaux génies de la peinture afin de ne pas passer pour un demeuré dans ce domaine.
Il reprend sa ballade. Emprunte la rue des Archives et tourne sur la gauche. Rue Vieille du Temple. Le début du Marais.
Des petits vieux aux jeunes éphèbes branchés, il ny a quun trottoir à traverser pour se trouver immergé dans le Royaume des fées où tout nest que feux dartifices et yeux de braises. Le mâle hétéro na plus quà serrer les fesses, il pénètre sur le territoire glissant de Sodome.
Yan continue son chemin, le radar ouvert, toujours à laffût dun beau garçon, même sil sait quil naura jamais le temps de jouer au jeu : « je me retourne, je te regarde, je continue doucement, fais une pause devant une vitrine le temps que tu me rejoignes pour moffrir un verre, voire aller directement chez toi pour faire plus ample connaissance... » Kevin lattend et il se voit mal aller à son encontre après une heure de retard avec comme simple excuse.
- Désolé, mais lappel de la chair a été plus fort que tout ! Plus fort que notre amitié !
Dautant plus que cétait lui linitiateur de cet apéro pour fêter sa nouvelle liberté.
Ooops ! Au loin, il voit déjà le monde daficionados du bar appelé le Cox, envahissant tout le trottoir, la pinte de bière à la main. Le bar étant trop petit pour accueillir tous les clients, cest toujours le même cirque à lheure des happy hours. Et ce, par nimporte quelle saison.
Toujours dexcellente humeur et pas impressionné pour un sou par cet attroupement de crânes rasés, Yan prend une forte inspiration afin de percer au mieux la foule entassée pour atteindre le bar sans émettre le moindre souffle. Juste des sourires de star à droite et à gauche, à ses anciens amants dun soir et à des potentiels futurs amants !
Ici, cest son terrain de chasse idéal : ni trop brutal comme les bars de cul avec leurs dédales et leurs backrooms puant le sperme et la sueur, ni trop soft comme le bar mitoyen, lOpen, le QG des fées au ventre percé et au nombril à lair qui rigolent bêtement tout en remuant leurs petites fesses serrées dans un taille basse sur du Alizée. Pas du tout le trip de Yan qui préfère de loin les habitués du Cox : la trentaine épanouie, les épaules larges et le cheveu ras. Le mâle dans toute sa splendeur et non pas lersatz dune ado débile et puérile!
Avant de libérer totalement la force de son radar, il doit dabord se concentrer pour retrouver Kevin en espérant quil ait trouvé une bonne place au bar avec comme option, la réservation dun tabouret.
La traversée du bar savère plus difficile que prévu, le nombre de fumeurs bat des records et leur fumée a raison de son apnée. Vaincu, il doit se résoudre à ouvrir la bouche pour laisser filer une respiration rédemptrice. Vaincu mais pas détruit, il décide alors de sortir sa propre arme et allume à son tour une clope. Gare à ceux qui lempêcheraient à présent de passer, leur bombers tout neuf de chez Roganel paierait pour eux !
Cest alors quun ours gras et moustachu que Kevin connaît bondit sur lui comme sur un pot de miel.
- Salut, beau gosse, tu cherches quelquun ?
- Oui. Tu n'aurais pas vu Kevin ?
- Non. Mais, je ne suis pas encore allé faire un tour au fond, il y est peut-être.
- Okay, cest là que jallais.
Frustré par si peu de dialogues, lours lempoigne violemment par le cou et le rapproche de son visage de vieille bête baveuse.
- Si ton pote nest pas là... dont worry, sache que je reste là encore une bonne heure.
Des éclairs de lubricité le foudroient sur place.
- Oui, oui... jy réfléchirai, promis, articule Yan en essayant désespérément de se libérer de cette emprise bestiale. À plus tard !
Ouf ! Le dernier effort est le bon et Yan réussit sans coup bas à se défaire de cette haleine fétide qui aurait pu facilement lui provoquer un évanouissement. En plein milieu du Cox, cela aurait été gênant pour limage de Yan ! Tant de mois de travail pour seffondrer lamentablement sous les regards moqueurs de ses futurs amants, non ! Il lavait toujours dit : « les ours devraient se laver les dents plus souvent ! »
Comme nul bar nétait parfait, cette rencontre était la face cachée du Cox : le repère des ringards alcoolos et repoussants, et selon les soirs, les torchons étaient plus nombreux que les serviettes. Ce qui semblait être malheureusement le cas ce soir.
Après quatre bises et deux mains au cul supplémentaires, Yan aperçoit enfin son cher Kevin lui faire de grands gestes au coin du bar juste avant lescalier descendant aux toilettes. La place idéale ! En effet, à force de boire des pintes de bière, la vessie, prête à exploser, crie souvent libération. Se trouver proche des toilettes est un bon moyen pour la soulager rapidement sans avoir à subir une nouvelle traversée du bar : véritable parcours du combattant. Et Yan est justement très fragile de la vessie...
- Génial ! Tu as un tabouret pour moi aussi ! sécrie-t-il ravi darriver intact.
- Oui, et jai du me battre pour que ce soit tes divines fesses qui sy installent, susurre Kevin, des diamants dans la voix.
La température étant digne dun sauna, Yan se débarrasse aussitôt de sa veste en cuir. Il la pose sur le tabouret avant de lécraser de ses soixante-douze kilos. Il fixe le gros verre de Picon bière de son ami avec envie. Son regard fébrile trahit sa soif.
- Tiens, ils ont changé de barman ? remarque-t-il néanmoins.
- Oui, encore un nouveau, mais avec lui on a de la chance ! Certes, il est laid comme un cachou mais, au moins, il sy connaît en doses de Picon.
- Cool...
Yan le hèle. Chance, le nouveau barman lui prend sa commande de suite. Et le temps de faire un clin dil quil dépose déjà ses lèvres sur le rebord de son verre après avoir trinqué avec Kevin.
- À ma nouvelle liberté ! Et à cette chaude soirée qui commence !
Le radar pouvait maintenant passer à sa vitesse maximale.
*
Kevin, lami incontournable de toutes les fêtes parisiennes. Quand Yan et lui étaient ensemble, cétait un ouragan qui balayait tout sur leur passage et gare à ceux qui tentaient de les séparer ! Des mecs trop jaloux de leur complicité sy étaient brûlés les doigts car on ne sépare pas le majeur du pouce ! Le majeur cétait Yan, le pouce, Kevin, beaucoup plus petit et rondouillard, mais avec un charme à toute épreuve. Sil remportait autant de succès avec les mecs, cétait en grande partie grâce à sa gentillesse. Dans ce monde de loups sanguinaires où tous se battaient la plus grosse part du trésor, Kevin, avec un cur gros comme une barbapapa, avait le don de reposer certains prédateurs.
Yan, à côté, était plus plastique, plus boysband et tellement plus cruel. À croire que son cur avait été façonné dans le béton ! Jamais de sentiment ni de romance. Certain dêtre programmé pour réussir, une love story naurait été quune embûche de plus sur son chemin vers la gloire. Et puis, surtout, il ne voulait pas souffrir.
Leur troisième pinte de Picon absorbée, leurs yeux se plissent, leurs rires se font exagérément aguicheurs. La séduction devenue boulimique, nos deux jeunes hommes se transforment en prédateurs de la nuit prêts à dévorer leur victime. Impuissante, linnocence seffondre en voyant le nombre croissant de soupirants masochistes se bousculant à la porte de leur jean. Plus rien ne peut plus les arrêter ! Vampires, il leur faut apaiser cette soif de sexe avant laube, et pas après
*
Yan vient de fermer la porte de lappartement. Jeff, lair ahuri, la bouche ouverte, est encore sous le choc davoir été boycotté si catégoriquement. « Mabandonner comme une vieille chaussette nest pas digne de moi ! »
En effet, sous ses airs de conquistador machiste, Jeff nen est pas moins aussi sensible quune jeune donzelle de Province. Surtout quand il sagit de son ami Yan.
Il retourne dans la salle de bain pour observer encore et encore sa nouvelle coupe. De létat dadmiration, il passe à une observation plus objective. Le doute sinstallait. « Il a peut-être raison, le gris me vieillit un peu... mais de là à me dire que je ressemble à Sean Connery, il exagère ! Et je ne vois pas de reflets bleus ! Je suis certain que Cathy me trouvera encore plus beau comme ça ! »
Justement. Cathy. Il décide de lappeler sur-le-champ car il na pas vraiment envie de manger tout seul et de ronchonner tel un corbeau toute la soirée. Et puis, qui peut savoir ? Peut-être quelle linvitera à dîner dans un de ses restos chics quelle affectionne particulièrement.
- Allô ! Ma chérie... cest Jeff. Comment tu vas ? ... bien ? Je suis ravi. Oui, je viens de refuser une sortie avec Yan pour savoir si... enfin, je me disais... on pourrait peut-être dîner ensemble ?
dans un quart dheure chez moi... euh, oui. Je cours sous la douche... parfait, je te fais des gros bisous partout !
Une fois le combiné raccroché, Jeff fait la moue dun enfant condamné à finir sa soupe aux courgettes en se traînant sans enthousiasme vers la douche. Pour dire vrai, ce repas avec Cathy ne lenchante guère mais cest déjà mieux que de supporter les jérémiades dArthur le plateau repas sur les genoux et de se finir à la main devant un mauvais porno visionné des centaines de fois. « Un dîner gratis au restaurant, cest déjà ça ! »
*
Non loin de là, dans un immense loft de la place de la République, une jeune baleine rousse rebondit de joie en chantant à tue tête le refrain de « Lady Marmelade. »
- Voulez-vous coucher avec moi, ce soir ? Voulez-vous coucher avec moi, ce soir ? ... oui, oui, mon Prince des ténèbres ma appelé ! Je lui avais laissé trois jours... trois jours sans nouvelles et cétait fini pour lui ! Il est vraiment accro ! Hum... mon beau Jeff, ce soir qui cest qui va grimper aux rideaux ? Cest la petite Cathy ! Jespère quil va être aussi délicieusement brutal que la dernière fois... un rustre romantique comme je les aime. Bon, maintenant il faut que jannule mon dîner de ce soir avec Larusso. Je lui dirai que je suis indisposée, elle gobera cest sûr. Cela se saurait si elle était intelligente celle-là !
Une fois le mensonge commis, Cathy décide de se changer. On ne shabille pas de la même façon pour aller voir son Jeff que pour dîner avec une chanteuse de variétés en perte de vitesse ! De son armoire, elle déballe toute sa collection de dessous affriolants et opte pour le bordeaux à dentelles noires. « Très pute de luxe ! » pense-t-elle en se léchant ses grosses lèvres charnues.
Elle passe difficilement une robe noire taille 42 (elle en faisait deux tailles au-dessus) dans laquelle elle a un mal fou à bouger ses jambes, mais quimporte, ce vêtement est fait pour être déchiré sauvagement et finir en lambeaux. Elle choisit des escarpins à talons de 15 centimètres histoire de faire oublier son dramatique mètre quarante-cinq. « Elles seront idéales ! »
La voilà fin prête à appeler son taxi. Car attention, même si elle nhabite quà deux minutes de chez Jeff, une femme de son standing ne marche pas dans la rue ne serait-ce que pour faire quelques pas !
*
Sous sa douche, Jeff commence sérieusement à regretter ce geste, résultat du désespoir davoir été abandonné. « Cest de la faute à Yan ! »
Non pas quil nappréciait pas cette fille, au contraire : elle était riche (lui touchait à peine cinq cents euros par mois), et surtout, elle avait le bras très long (un détail qui était, selon lui, très utile pour sa réussite professionnelle.)
Oui. Grâce à son carnet dadresses très fourni, Cathy était en mesure de lui apporter une superbe carrière sur un plateau dargent. Dans ce milieu rempli de vieux homos lubriques, elle était la perle rare ! Dommage quelle ait le physique dune huître. Non, ce quil naime pas, cest devoir coucher avec elle.
Malgré lavantage quelle puisse être encore plus conciliante quune poupée en latex, il avait trop souvent la désagréable impression dêtre avec une vache folle hurlant à chaque caresse délicate. Aussi, quand il sagissait daller plus loin, il se voyait contraint de létouffer avec un édredon afin quelle nameute personne et de se concentrer sur Loana ! Sinon il débandait aussi sec. Cette fille lui aurait appris au moins une chose : les hommes pouvaient, eux aussi, simuler lorgasme !
Découragé par les préliminaires, il lui était souvent arrivé de faire semblant de jouir au bout de trois coups de boutoir. Il sexcusait alors comme un enfant honteux et courait vite à la salle de bains mettre le préservatif dans la cuvette des toilettes de crainte quelle ne se doute de la supercherie. Pendant ce temps, Cathy lattendait, allongée sur son lit, un peu déçue de ne pas avoir pris son plaisir mais sincèrement flattée dêtre avec un amant qui, trop excité, narrivait pas à se contenir. Elle en était ravie quelque part...
La sonnerie de lentrée retentit. Cathy est déjà là ! Pire, il lentend roucouler derrière la porte. Exceptionnellement, elle navait pas dû prendre les clefs que Jeff lui avait passées pour lui prouver son sincère attachement.
*
Quand il avait avoué ce don des clefs à Yan, celui-ci sétait emporté.
- En plus de fricoter avec lennemie qui est peut-être responsable de léchec de ma carrière ! Tu lui offres un double des clefs de notre appartement !!!
Mais Jeff avait su trouver les mots pour le calmer lui promettant quelle ne sen servirait jamais. Cela faisait juste partie de son plan de séduction pour quelle ait confiance en lui. « Ce don des clefs est essentiel pour ma carrière ! »
Yan avait cédé, lavertissant tout de même quil ne souhaitait pas la croiser tout seul un jour, sinon cétait directement par la fenêtre du deuxième étage quelle sortirait de leur appartement. Et pas de pitié pour le trottoir !
*
En remontant sa braguette, il crie à sa future cavalière :
- Oui, ma chérie ! Jarrive, je mets mes chaussures !
A peine la porte ouverte que le loukoum en vison se jette fougueusement dans ses bras et lui roule une large pelle lui broyant la mâchoire. Rassasiée, la bête précieuse sexclame :
- Mon beau Prince des Ténèbres, ce soir tu seras mon Roi ! Viens vite, mon taxi nous attend direction le restaurant de Beaubourg ! On va samuser comme des petits fous !
*
Dire que la chasse au Cox fut un bide serait un total pléonasme. Pourtant, il ne manquait pas de gibier prêt à se faire sacrifier sur lautel du plaisir, mais rien de bien excitant : que des vulgaires petits sangliers dénués de sex-appeal ! Mais, la soirée ne faisait que débuter
Le ventre arrondi par leurs litres de Picon bière, Yan et Kevin se dirigent à présent vers la cantine homo du Marais, Le Petit Picard où Amélie, la patronne (ou plutôt la tenancière) les accueille à bras ouverts.
- Mes chéris ! Cela fait si longtemps que je ne vous ai pas vu ! (en effet, cela faisait trois jours) Comment vous allez ? hum, vous êtes toujours aussi merveilleux ! Si javais quelques années de moins
Vite ! Je vais vous trouver une table, mes trésors !
Tout de suite plus agressive quand elle sadresse à Steve, un de ses jeunes esclaves.
- Dépêche-toi de débarrasser la cinq pour nos amis ! Puis à nouveau rayonnante. Vous allez bien prendre un petit Kir pêche en attendant au bar ? Steve viendra pour vous installer.
- Quelle hypocrite ! chuchote Yan à loreille de son ami que déjà Amélie courait accueillir des nouveaux chéris à lentrée de son bordel gastronomique.
- Mieux vaut un accueil de ce genre que pas daccueil du tout ! répond Kevin. Moi, jaime bien me sentir important le temps dun instant même si elle en fait des tonnes !
- Bof, pas si convaincu que ça ! rétorque Yan, en fixant les tables environnantes. Son radar devait oublier sa première défaite.
Une fois le Kir avalé, ils suivent les petites fesses ondulantes de Steve vers une table en plein courant dair. Et pas question de faire la fine bouche, les tables libres sont trop rares au Petit Picard. Cet emplacement convient plutôt bien à Yan car il a dans sa ligne de mire un beau mec quil a déjà remarqué du bar. Style sportif des JO aux dents bien blanches. Le plat parfait.
Kevin moins bien loti marmonne :
- Pff ! Cest censé être un resto homo de mecs et je suis en face dun couple de camionneuses qui narrêtent pas de se bouffer la bouche...
- Bois donc pour oublier, lui dit tout sourire Yan puis en se tournant vers le serveur. Steve ! Une bouteille de Saint-Amour, sil te plaît !
Cet horizon prometteur la sacrément requinqué, prêt à devenir le Casanova de la soirée !
*
Jeff ne comprend pas.
Cathy ne lui a toujours pas fait de réflexion sur sa nouvelle couleur de cheveux ! Dans le taxi, ce nest pourtant pas le silence qui étouffe sa cavalière.
- Javais un dîner avec Larusso, tu sais
cétait pour la sortie de son dernier album, mais jai préféré annuler pour te voir. Ce nest pas grave, cette chanteuse de guimauves ne ma jamais vraiment fait vibrer. Je lui ai fait le coup de la mère mourante. Elle nest vraiment pas futée cette pauvre fille ! Tiens, tu me feras penser à tenvoyer une invitation pour le lancement du nouveau rouge à lèvres Chanel. Et ce week-end, je pars chez Gérard et Claire, nous allons faire une petite partie de chasse ! Depardiou est un homme tellement charming ! ...
Surprise par le silence de son compagnon, elle lui pousse vivement le coude.
- Jeff, tu ne mécoutes pas ?
- Si, ma chérie... comment ne pas rester suspendu à tes lèvres ? Mon silence est celui de ladmiration...
- Oh ! Tu sais parler aux femmes, toi ! rougit-elle
- Donc je disais que Gérard était un homme adorable ! En plus dêtre le grand acteur que lon connaît, cest un grand nologue, tu sais quel est son vin préféré ? ... non ? ...
Jeff ne sait pas. Déjà, il lui avait fallu du temps pour savoir que son Depardiou nétait autre que Depardieu. Et puis, il sen fout carrément. Cathy nétait quun monstre dégoïsme ! Elle ne lui a même pas parlé de ses cheveux...
Une fois sortie du taxi, Cathy prend un air très grave.
- Mon beau Jeff... dhabitude, je ne dis rien, chacun fait ce quil veut, mais là, cest pour ton bien...
- Ah oui, et tu veux me dire quoi ?
« Elle a enfin remarqué ! »
- Euh... ce sont tes cheveux.
- Tu aimes non ? Parce que Yan...
- Jaurai dû men douter, grogne-t-elle en lâchant une trombe de postillons. Cette idée vient de lui ! Quand est-ce que tu arrêteras de faire tout ce quil veut ? Sil ta poussé à te teindre les cheveux aussi vulgairement, cest pour que tu arrêtes de lui faire de lombre !
Voyant que son agressivité paralysait Jeff, elle adoucit son ton et lui caresse cles cheveux.
- Et quelle idée davoir mis du bleu ? Ils sont malins ces homosexuels ! Tu ferais tout pour lui, à croire que tu es secrètement amoureux de lui... Ca je te préviens, je ne le supporterais pas ! Surtout avec lui !
Jeff reste silencieux. « Ce nest pas vrai ! Il déteste... » Néanmoins il se tait de peur de passer aux yeux de Cathy pour quelquun de vulgaire.
- On dirait un peu Sean Connery...
« Oh, non pas encore ! »
- Remarque, cest plutôt drôle ! Tout le monde va penser que tu es mon père... rigole enfin Cathy. Des claques se perdaient.
À peine entrée dans le restaurant que Cathy commence déjà à valser de joues en joues
« Cest vraiment la professionnelle de la léchouille publique ! » pense Jeff en la suivant de table en table comme un beau trophée exhibé.
Yan lui a souvent demandé comment il pouvait faire avec autant de naturel le Gigolo dans les soirées mondaines. Sans doute un digne héritage de sa mère, ex prostituée de Rennes.
Impatient, il aimerait sasseoir une fois pour toute au lieu de faire cette ronde grotesque, quand soudain, au loin, il reconnaît Luc Besson attablé avec une sublime indigène. Cest la chance de sa vie ! Cathy devait lui présenter ce réalisateur de génie, elle ne pouvait pas passer à côté.
- Bonjour Luc ! Quel plaisir de te voir ! Jai le plaisir de te présenter le nouvel Alain Delon, lespoir numéro un de tous ces autres légumes qui se disent comédiens !
Pourtant, Cathy qui la bien vu, fait laveugle, pire, elle lignore royalement !
Après sa dernière danse, elle tire Jeff vers une table bien éloignée de celle du réalisateur. Incompréhension du comédien. Parmi tous les bonjours constipés quil a dû supporter, cétait pourtant le plus important pour lui. Déçu, il boude dans son coin. Cathy, pas folle, sen est rendue compte.
- Mon amour, lui susurre-t-elle, chaque chose en son temps. De plus, je nai jamais eu beaucoup daffinités avec monsieur Besson !
Antipathie confirmée. Lorsque Cathy naimait pas les gens, elle les nommait par leur nom de famille
sauf pour Yan car elle lavait toujours ignoré.
- Bon, mon chou jai envie de me faire exploser la panse ! minaude-t-elle toute réjouie en se frottant les mains. Déçu, Jeff oublie ses rêves du Retour de Leon et retrouve son sourire, forcé certes, mais sourire quand même.
*
Leur table sétait agrandie. De deux couverts, ils sont passés à quatre. Le beau sportif des JO au doux prénom de Gaétan et un ami, Pascal, les ont rejoints.
Si entre Yan et le sportif, le courant circule harmonieusement, chez leurs voisins, on frise le court-circuit !
- Je regrette mais la version des Diaboliques avec Isabelle Adjani et Sharon Stone ne va pas à la cheville de la première version ! se défend Kevin.
- Oui, mais Isabelle reste la plus grande actrice de tous les temps ! répondait Pascal. Tu as beau dire ce que tu veux, mais la Signoret na vraiment été connue que grâce à sa liaison avec Montand !
- Nimporte quoi... et Casque dor, ten fais quoi ?
Un véritable combat de coq ! Si Kevin en a la coupe de cheveux, Pascal, par la maigreur de son visage et par son nez aquilin ne surprendrait personne à brailler du Patrick Bruel au petit matin sur le toit dune maison !
De leur côté et loin de tout conflit, les deux nouveaux tourtereaux savourent leur nouvelle romance. Les paroles ne servent à rien quand les yeux en disent si long sur leur désir mutuel : coucher ensemble !
Kevin retrouve son sourire et sa bonne humeur quand son nouveau meilleur ennemi de table se propose généreusement de prendre en charge la totalité de laddition. Face au faible refus mutuel, il sort son American Express.
« Cool, trois verres en plus à lInsolite ! » se dit Kevin.
- Et vous faites quoi maintenant ? demande Yan aux nouveaux venus.
- On ne sait pas ! Comme on ne connaît pas Paris...
- Allons donc à lInsolite pour fêter notre rencontre ! suggère Kevin, poussé par la soif et le désir.
Comme tous les samedis soirs, la discothèque de lInsolite est remplie de corps en sueur sagitant spasmodiquement sur du Kylie Minogue, du Jennifer Lopez ou du Madonna dans une ambiance bonne enfant loin de leffet tape-à-l'il et prétentieux de certaines boîtes branchées techno.
Yan se sent si bien accompagné quil ne souhaite pas entrer dans la danse pour se frotter contre des torses bien glissants de sueur. Il a son Gaétan, son bel athlète... alors pourquoi chercher ailleurs ? À moins que... son regard parcourt furtivement toute la boîte, mais le radar reste muet, envoûté lui aussi par le beau breton. Message reçu. Gaétan restera lunique chevalier ardent de cette nuit !
Kevin de son côté nayant pas vraiment envie de faire la poule, abandonne Pascal pour courir rejoindre un ex au bar.
Sans son âme de chasseur, Yan sennuie. Maintenant quil a déjà quelquun à se mettre sur la langue, il brûle de le savourer rapidement et plus en profondeur, pour ne pas dire le sucer
jusquà la moelle. Un dernier détail linterpelle toutefois : où allaient-ils pouvoir concrétiser tout ça ? Dans les toilettes ? Non, encore assez bourré. Dans une back-room ? Non, Yan souhaite un minimum de confort. Gaétan devait certainement loger à lhôtel. Le mieux serait donc de le lui demander.
- Dis, tu es logé où pendant ton séjour ?
- On a pris des chambres au Central, lhôtel qui se trouve...
- Je connais, cest dans le Marais ! répond Yan, en pensant à cet hôtel quil avait déjà squatté avec un pompier de Marseille.
Un piteux souvenir ! Le beau soldat du feu navait pas dans son slip ce que ses gros bras auraient pu suggérer. Depuis cette histoire, Yan se méfiait beaucoup des pompiers et surtout des body builders !
Avec Gaétan, le problème ne devrait pas se poser. Il a déjà effleuré de sa main la braguette du jean du breton de Nantes. Une belle bosse en perspective qui allait certainement le réconcilier avec cet hôtel !
Gourmand et direct, il lui demande.
- On va dans ta chambre ? Je commence à en avoir marre dêtre ici.
Comme réponse, Gaétan lenlace et lembrasse goulûment. Cela voulait sans doute dire « oui ! Hum ! » Yan se félicite de sa dernière trouvaille. Sa grosse pelle est vraiment très prometteuse...
« Ils ont des chapeaux ronds, vive la Bretagne
Ils ont des c
. en plombs, vive les bretons... »
*
10 h du matin. Léclair et la pluie frappent avec violence la Capitale, soumise, plongée dans un sombre décor apocalyptique.
À grandes foulées, Yan rentre de sa nuit chaude et mouvementée. Le radar avait dit vrai, Gaétan était vraiment une sacrée bête de sexe, fidèle à sa réputation de breton ! Les rideaux et les chambres voisines du Central allaient se souvenir longtemps de cette nuit.
Il sort de sa poche un papier sur lequel son bel amant a écrit son numéro de téléphone. Il est à Paris pour une semaine et souhaite le revoir. Yan déchire le numéro et lenvoie sans viser se noyer dans une rigole inondée. Il nest pas prêt pour du long terme. Cétait bon, mais cette romance devait sarrêtait là ! Pas le temps de jouer à lamoureux transit. Une carrière est à gérer. La semaine à venir sera trop chargée pour sencombrer : entre sa recherche dun nouveau boulot et ses cours de théâtre, il naurait même pas une soirée à consacrer à son marin.
Dommage. Lavantage de quitter un pompier au petit sexe, cétait quil ny avait pas de regrets...
Même si lhôtel est proche du boulevard Beaumarchais, cette pluie battante oblige Yan à sengouffrer dans le métro. Station Saint-Paul.
Il lui tarde de rejoindre son lit pour sévader dans un rêve merveilleux loin de cette grisaille. Yan a toujours considéré quil avait deux vies en une : le comédien qui courait après ses rêves de célébrité et lêtre banal qui entrait dans la peau de tous les personnages quil incarnait dans son monde onirique.
Avec cette magie de se souvenir parfaitement de toutes ses fugues rêveuses une fois réveillé. Au grand désespoir de Jeff qui chaque matin devait prendre son café en subissant les récits dans les moindres détails, lui qui ne se souvenait jamais de rien.
- Moi, je ne dois jamais rêver... se plaignait-il toujours.
Perdu dans ses pensées, il manque de louper sa station. Revenu à la réalité, il se rappelle quil lui faut avant de retrouver ses draps appeler ses parents pour leur confirmer son arrivée le week-end prochain. Sortie Chemin Vert, plus que cinquante mètres...
*
Jeff nentend pas le verrou de la porte. Trop préoccupé par la phrase quil clame à haute et intelligible voix devant le miroir plein pied du salon.
- La vie est une longue tragédie dont le héros est un ver conquérant... zut ! Plus naturel tout en étant plus solennel ! Allez Jeff ! La vie est une longue tragédie dont...
Yan entre à ce moment dans la pièce, le surprend et le coupe net en éclatant de rire.
- Oui, mais en ce moment, cest toi la tragédie !
Piqué à vif dans son orgueil, Jeff se défend :
- Ah oui et comment il dirait « Monsieur je joue tout » ?
- Je ne sais pas, je serai sans doute plus naturel moins coincé du cul. Tu as avalé tout le balai ? ... mais au fait, tu mas toujours dit que tu trouvais les cours de théâtre inutiles... tu disais comment ? Une perte de temps pour finir sur une chaîne câblée à présenter la météo ?
- Oui, et je ne renie pas ! Je trouvais juste que cette phrase sonnait bien. Mais bon... dailleurs, tu ne devais pas regarder !
Vexé, Jeff arrête pour senfuir dans la cuisine.
- Jai fait du café, Sarah Bernhardt en prendra bien une tasse ?
- Avec plaisir, Ben Hur !
Fourbu, Yan se laisse lamentablement choir sur le canapé orange. Il a trop donné de son corps. Heureusement, cest dimanche aujourdhui et il va pouvoir se reposer sans avoir mauvaise conscience. Il devait faire quelque chose ? Ah oui ! Ses Parents.
Il relève difficilement son buste du canapé et tire méthodiquement le fil du téléphone pour le rapprocher de lui. « Allez courage, boy ! Le dernier effort. »
- Allô ! Maman ? Cest Yan. Ça va ? ... oui, je sais... non, je ne vais pas te demander de largent, oui je sais papa sera bientôt à la retraite, et une retraite de général, cest pas la fortune...
Jeff arrive à ce moment avec les cafés. À son ton, il devine son interlocutrice, Yan lui lance alors un regard désespéré.
- Oui... la fonction publique ? Jy pense... bon, tu ne veux pas savoir pourquoi je tappelle ? Ah ! Enfin... bon, cétait pour te dire que javais réussi à bloquer un week-end. Celui qui vient. Jarriverai vendredi en début daprès-midi
non, pas pour une semaine, cest impossible. Jusquà dimanche soir ! Okay
non, maman, je ne vendrais pas des poulets toute ma vie... je tembrasse très fort et papa aussi... allez, à vendredi !
Ouf ! Il vient de puiser la dernière goutte de sa réserve dénergie. En prenant sa tasse brûlante, il pleurniche.
- Je veux retrouver mon oreiller !
À côté, Jeff pétille de bonne humeur. Un vrai petit zébulon.
- Tu as lair en pleine forme, toi ! Tu as dû passer une bonne soirée si jen crois léclat de tes yeux ? Allez, mon repos attendra
dis-moi tout !
- Oh ! Jai passé une soirée canon !
Yan sourit, il ne sattendait bien sûr pas à une réponse du genre: « Je me suis ennuyé tout seul
» Non, et quand bien même, Jeff était beaucoup trop fier pour avouer que lennui puisse un jour sintéresser à lui !
- Et tu as fait quoi ?
Yan sait que son ami est impatient de lui raconter sa soirée. Le repos du guerrier de larmée Libidina attendra.
- Alors voilà... Cathy est donc venue me chercher. Tu te rends compte, elle a annulé un rendez-vous avec la chanteuse Larusso pour dîner avec moi ! Cest dingue ! On est allé dans le resto le plus chic de Paris. Elle a été géniale ! Elle ma présenté beaucoup de monde en me faisant passer pour le nouveau grand acteur des années à venir. On a même pris lapéro avec le réalisateur Luc Besson, tu sais celui qui a fait « Le grand bleu ». Il est vachement intéressant ! Après on a mangé comme des Dieux et on a pris le dessert avec sa grande amie, Loana, tu sais la bombe du Loft ! Je me trouvais juste en face du calendrier de ma chambre. Cétait fou ! Après quoi, Cathy devait se lever tôt et ma raccompagné sagement ici. Une soirée très intéressante pour moi... et si jai un balai dans le cul et que je narrive pas à être assez naturel devant un miroir pour clamer du Edgar Poe ou du je sais pas trop quoi, au moins jagis !
Et toc pour Yan !
Le discours de Jeff semble pourtant trop long pour être crédible, avec deux choses qui énervent Yan au plus haut point. Quand son ami se lance dans des explications sans fin, il a toujours le chic de prendre son auditoire pour un amas didiots. En effet, Yan se doute bien que Larusso nest pas une vendeuse de poissons (quoique...) et sait que Luc Besson est le réalisateur du Grand Bleu.
La deuxième chose qui hérisse le peu de poil quil a sur le corps, cest la mythomanie de son ami ! Il faut en prendre et en laisser. Comme la dernière fois où il avait croisé par hasard dans la rue Zazie
Cette rencontre sétait transformée par magie en un café sur la place de la Bastille sous les flashs des paparazzis.
De plus, Jeff nest pas doué pour le mensonge. Demain, il aura oublié davoir pris un verre avec Luc Besson, et à la question : « as-tu déjà rencontré Besson ? », il répondra tout innocemment : « Non, pourquoi, je devrais ? »
Toutefois, Yan garde le silence afin de ne pas le vexer. Et puis, si cest sa façon à lui de rêver ?
Le café avalé, la cigarette fumée et son ami écouté, Yan a retardé au maximum linstant quil attendait depuis le départ lhôtel et la fin de ses pirouettes : le lit !
- Moi, je vais me coucher ! Je me déconnecte du monde... suis naze... si le fixe sonne, je ne suis là pour personne...
- Ah, ah... les trottoirs du cur ont dû encore se surpasser cette nuit ?
- Oui, tu peux le dire. À plus tard !
Il quitte le salon.
*
Jeff reste seul à se demander sil nen a pas fait un peu trop. Bon, pour Besson, ce nétait mentir quà moitié : si Cathy avait été copine avec lui, il aurait pu venir à leur table prendre lapéritif avec eux. Daccord, ce dîner fut un véritable cauchemar avec sa cavalière qui lui répétait sans cesse quelle ne portait pas de petite culotte, quelle était une petite fille désobéissante et quelle méritait la fessée de son Prince des Ténèbres !
Okay, Loana nest jamais venue à leur table, dailleurs elle nétait même pas au restaurant ! Mais il en rêvait tellement quil navait pas pu sempêcher de le dire à Yan histoire de le faire rager... « Jaurai peut être dû dire David Beckham ? »
Après le dîner, alors quil rentrait chez Cathy, une douleur horrible au ventre la prit dans le taxi. Direction lhôpital. Lappendicite ne supportait plus dêtre dans ce corps énorme, elle voulait être libérée ! Jeff devait rentrer seul...
Toute cette torture pour finalement se finir à la main. Lalcool lavait pourtant bien grisé, il aurait pu faire tout ce quil aurait voulu delle. Dommage. Soirée de merde ! Malgré tout, il avait gardé la vérité du début car Cathy avait bien décommandé Larusso !
Quimporte. Certain que Yan aura tout oublié demain, dès laube. « Il a si peu de mémoire ! »
Jeff sallonge alors sur le canapé. Il va se regarder Rocco et ses frères, Alain trouvera certainement les répliques pour le consoler.
*
- Yan ? Réveille-toi ! Yan ? Jai encore envie de toi !
Le comédien se remue. Doù vient cette voix ? Il ouvre difficilement les yeux, aveuglé par une lumière brutale. Son regard est embué par la poudre du sommeil. En le voyant, il sursaute.
- Mais, Gaétan ? Quest-ce que tu fais là ? Et dailleurs, comment es-tu entré ?
- Moi ? Il rigole. Mais par la porte, par la porte de ton esprit ! Laisse-moi te rejoindre sous ta couette, jai encore envie de toi !
De mauvaise humeur, Yan le rejette.
- Et moi, jai envie que tu disparaisses ! Je suis fatigué ! Je nai plus envie de faire lamour.
Le ton de Gaétan change. De linsistance, il passe à la violence.
- Parce que tu crois que tu vas ten tirer ainsi ? Tu crois quil suffit de claquer des doigts pour que les mecs couchent avec toi, et quune fois que tu les as consommés, tu peux les jeter aussi facilement ! Cest peut-être vrai avec les autres, mais pas avec moi ! Je ne serai pas une victime de plus. Tu ne me feras pas passer par la chasse deau comme les autres ! Je taime et jai envie de toi ! Cest légitime !
Yan reste bête face à ce discours. Des éclairs de folie brillent dans les yeux du breton. Il commence à vouloir le toucher. Yan recule et se lève brusquement de son lit.
- Laisse-moi tranquille ! Tu nes rien pour moi ! Il commence à appeler Jeff. Jeff ! Jeff ! Au secours !
Gaétan le fixe avec mépris.
- Tu crois que ton ami va venir taider ? Avec tout le mal que tu lui fais ! Il serait trop heureux que tu partes avec moi. Il pourra rester avec Cathy. Il naura plus mauvaise conscience de fricoter avec lennemie numéro 1 de son meilleur ami
De la bave coule de sa bouche.
Yan est saisi par la peur. Gaétan se métamorphose devant lui. Le corps du beau jeune homme prend du volume et se transforme en grosse masse visqueuse. Yan quitte précipitamment la chambre pour se retrouver non pas dans le couloir de son appartement, mais plongé dans le couloir des enfers. Des corps décharnés de morts-vivants savancent vers lui, les bras tendus prêts à lenlacer
- Non, non
Ce nest pas possible ! Il faut que je me réveille ! Cest un cauchemar !
Des hurlements de loups viennent sajouter à ce climat dangoisse. Les corps lentourent, les mâchoires osseuses se desserrent.
- Yan ? Tu ne nous reconnais pas ? Pourquoi as-tu peur de nous ? Pourtant, tu nous as tous aimés ! À ta manière
mais tu nous as tous désirés !
Effrayé, il cherche en vain une issue quil ne trouve pas. Un labyrinthe dimpasses lui barre la route. Il est perdu. Résigné, il sapproche des corps en lambeaux pour offrir le sien.
Quand soudain une porte apparaît. La force lui revient, il se jette sur la poignée quil actionne. Retour dans sa chambre. Une jeune fille blonde aux larges yeux bleus, belle comme un astre, accourt vers lui et le console.
- Viens vers moi ! Tu as fait un mauvais rêve. Doux, doux
Laisse-moi te consoler
Doux, doux
*
Cest dans ses bras que Yan ouvre les yeux. Il regarde le réveil. Six heures seulement. Il repense à ce rêve étrange sans trop arriver à en deviner le sens. La jeune fille a disparu. Cela lui apprendra davoir fait trop dexcès la veille.
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