Cest aberrant !
Jabonde dans ce sens !
Moi aussi !
Allons, Mesdames et Messieurs, un peu de silence je vous prie. Il y a dans cette salle les meilleurs scientis de tout le système géant dAtar et même de certaines galaxies voisines. Vous êtes tous déminents spécialistes dans vos domaines respectifs. Cependant, jai exposé à Krell la théorie du Major Valkovir ici présent. Son analyse a abouti à une probabilité dexactitude de 30%. Et 30% de probabilités méritent que lon sy attarde. Je vous demanderais donc de prendre au sérieux cette hypothèse
à moins que le Capitaine Tananga nait changé davis depuis tout à lheure. Alors analyste, avez-vous changé didée
est-ce une arme ?
Non, je suis catégorique, il ne peut sagir dune arme. Lénergie nécessaire à son fonctionnement serait inconcevable ! Et malgré tout ce qui a été dit dans cette salle, je maintiens mon affirmation de tout à lheure. Sil savérait que la théorie du Major se révéla exacte, cette « bulle » comme il la si bien nommée nest en aucun cas une arme.
Merci Capitaine, Scienti Naudanlhia, cette anomalie cosmique à laquelle nous sommes confrontés peut-elle être dorigine artificielle ?
Je ne pense pas Amiral. Comme la très justement souligné lanalyste militaire Tananga, lénergie nécessaire à son fonctionnement serait beaucoup trop importante et quels êtres intelligents auraient eu les moyens et la technologie leur permettant de concevoir une telle chose. Même les Krells, qui font pourtant office de référence dans lunivers connu, nont jamais réussi à mettre au point quelque chose de semblable.
Je vous remercie.
Elle navait pas dû dormir beaucoup non plus mais elle était redevenue elle-même et cela me réjouissait.
Puis-je prendre la parole un instant ?
Bien entendu !
Orimh navait prononcé aucune paroles jusqu'à maintenant, il sétait contenté découter. Je lavais longuement observé et pas un instant son visage navait exprimé de sentiment. Il était resté là, impassible spectateur des joutes oratoires parfois intenses auxquelles sétaient livrés les quarante-trois scientis présents à bord.
La possibilité dun élément naturel na été que brièvement évoquée. Mais pourquoi ne serions-nous pas les victimes bien involontaires dun phénomène astral dont nous ignorons tout ? Lunivers a encore bien des secrets à dévoiler et nous les lokiriens sommes bien placés pour le savoir. Nous qui lexplorons depuis des temps immémoriaux. Nous en avions déjà découvert de nombreux alors que les Krells nen étaient quà leur premier stade de développement. Je vous saurais gré de ne pas négliger cette option.
Cette intervention relança le débat de plus belle. Je les laissais discuter jusquà ce que japerçoive un jeune homme qui levait sa plastofeuille pour demander la parole. Cétait la première fois quil intervenait mais son visage métait familier. Les éclats de voix sestompèrent et je la lui donnais.
Silas Bechlatt, spécialiste espace-temps, jaurais une question pour lassemblée tout entière, vous y compris Commandeur.
Ça me revenait maintenant, Silas Bechlatt, jeune prodige de Chalhentir dans le système Auriga. A quatorze ans, il étudiait lastrophysique au Grand Dôme du Savoir dAtariss où il fut reçu avec mention. A seize ans, il excellait dans le domaine de la science spatio-temporelle, cétait un véritable génie de seulement vingt-deux ans !
Nous vous écoutons.
Quelquun a-til une explication à me fournir au sujet du compteur temps galactique ?
Que voulez-vous dire ?
Vous permettez
Krell, affichage du CTG sil te plaît.
Derrière moi, le grand écran plasmatronique sillumina et dévoila les chiffres bleu clair du compteur temps galactique. Ceux-ci indiquaient toujours 9999999999.
Un murmure parcourut lassemblée.
Les experts se sont déjà penchés sur le problème, ils ont conclu à une défaillance temporaire du système causée par la traversée du trou noir.
Je ne mets nullement en doute lavis de vos experts Amiral, car il est vrai que le système peut connaître une défaillance passagère imputable, dans la plus part des cas, à une traversée de trou noir ou à une vitesse disto excessive. Mais ce dérèglement na jamais, à ma connaissance, excédé une dizaine de minutes. Alors que là, le problème dure depuis plus de 180 heures ! Javoue que comme tout le monde, je ne men serais pas préoccupé outre mesure si je navais pas eu besoin de le consulter à des fins de calculs.
Vous pensez donc quil y a une corrélation entre le CTG et lendroit où nous nous trouvons actuellement ?
Dès notre situation connue, je me suis livré à toute une série danalyses. Mais jai eu beau tourner et retourner le problème dans tous les sens, la conclusion à laquelle jarrivais était toujours la même. Jai eu tellement de peine à croire le résultat que mon holocalculateur me montrait, que je me suis cru victime dune hallucination ! (son ton se fit brutalement plus grave.) Honorables et respectés Scientis, cette découverte va provoquer leffondrement de plusieurs règles scientifiques pourtant parfaitement établies. Notre façon daborder certains problèmes va en être affectée à tout jamais !
Je constatais que son teint était devenu très pâle, il avait lair bouleversé. Le jeune scienti, si sur de lui quelques instants au paravent, avait cédé sa place à un homme hésitant, presque terrifié par ce quil avait découvert. Ce changement dattitude ne passa pas inaperçu au près des autres scientis et quelques rumeurs parvinrent jusqu'à moi. Je lencourageais à poursuivre :
Et bien Scienti Bechlatt, nous sommes impatients den savoir plus ! Faites-nous donc part de votre hypothèse.
Je
jai bien peur que cela soit plus quune hypothèse Monsieur.
Allez-y ! Nous vous écoutons.
Je pense
que lAtaraxia a été victime dune faille spatio-temporelle, qui la ramené à une période antérieure à la naissance de lunivers
Des sourires commençaient à se dessiner sur les lèvres.
En dautres termes, Commandeur, la question a se poser nest plus « où sommes-nous ? », mais plutôt « QUAND sommes-nous ? ». Et la réponse est : Nous sommes avant le Commencement ! Car nous avons remonté le temps !
Un éclat de rire général secoua la salle. Et moi-même jeus du mal à me retenir. Seule Vanhéa sembla garder son sérieux. Les commentaires fusèrent de tous côtés :
Remonté le temps ! Ah ! Ah ! Nous avons remonté le temps ! !
Cest totalement fantasque !
Je nai jamais rien entendu daussi stupide !
Moi non plus !
Je crois que ce jeune scienti devrait éviter lholobibliothèque à lavenir, ce serait plus prudent !
Oui, à force de lire nimporte quoi, le cerveau ramolli !
Il se défendit du mieux quil pût :
Mais pourtant
je suis sûr de ce que javance !
Foutaises ! on ne peut remonter le temps aussi loin, il sagit dune impossibilité scientifique !
Cen était trop pour Silas qui cette fois, rouge de colère, répliqua sèchement :
Je vous prouverais le contraire Scienti Tsahan !
Celui-ci se leva dun bond, pointant son index sur Silas.
Quelle impudence jeune homme ! Savez-vous à qui vous parlez ?
Parfaitement ! Je parle à un vieux scienti borné qui a peur quune découverte sans précédent vienne dérégler ses petites habitudes !
Le Grand Dôme du Savoir ne vous a pas appris la politesse jeune homme ! Vous feriez mieux de retourner à vos études ! Nous sommes là pour résoudre un problème grave. Pas pour écouter une théorie fantaisiste !
Elle nest pas fantaisiste ! Au contraire et
Il suffit ! Je ne veux pas en entendre davantage !
Il était grand temps pour moi de calmer une fois encore les débats.
Allons
allons un peu de calme ! Tsahan asseyez-vous sil vous plaît.
Mais ce petit impertinent
Jai dit asseyez-vous !
Le calme finit par revenir au bout de quelques instants. Je jetais un regard furtif à Vanhéa qui me gratifia dun sourire.
Scienti Bechlatt. Tout
tout ceci paraît vraiment incroyable
Bien sûr, nous savons tous que lespacetemps est une donnée essentielle de la navigation stellaire. Il est vrai que nous nous déplaçons dans le temps, lorsque nous croisons dune galaxie à lautre. Mais un saut temporel de cette ampleur est tout bonnement inconcevable ! (Tsahan affichait à présent une moue satisfaite) Il faudrait que nous ayons traversé des millions de continuums et des milliards de galaxies pour nous retrouver là où vous prétendez que nous sommes. Et ça vous aurez du mal à me le faire admettre désolé ! (Tsahan avait retrouvé toute sa suffisance. Mais son sourire se figea bientôt.)
Cependant, il ma semblé vous entendre dire que vous pouviez prouver ce que vous avancez, cest bien cela ?
Dune certaine façon
oui.
Parfait ! Alors allez-y ! Prouvez-nous que vous avez raison !
Il se trouvait à nouveau dans son élément et en un instant sa confiance fut revenue.
À quoi vous font penser les chiffres affichés sur cet écran ?
À une horloge en panne, je ne vois pas là de quoi sinquiéter.
Et vous avez en partie raison ! Sauf quun chronodex ne
Bah ! une démonstration vaut mieux quun long discours
Permettez
Tout en parlant, il mavait rejoint derrière le pupitre en plastoverre noir brillant qui faisait face à lassemblée.
Krell, commute sur lhorloge chronodex de bord sil te plaît. Uniquement heures, minutes et secondes. Ce sera suffisant.
Laffichage vira du bleu au noir indiquant : +08h53. Le temps sécoulait normalement : 57
58
59
+08h54.
Maintenant Krell affiche le CTG en parallèle.
Lafficheur de lécran plasmatronique se scinda en deux et les chiffres bleus du compteur temps galactique réapparurent.
Merci Krell, à présent, simule les pannes daffichages possible du chronodex de bord je te prie.
Les secondes sarrêtèrent puis laffichage se modifia : Arrêt total, barre manquante, rythme trop élevé, trop lent, etc. En tout une quinzaine de pannes différentes furent simulées, accompagnées à chaque fois par un taux de probabilité. Enfin, notre horloge de bord retrouva son aspect initial, il était +08h56.
Bien, procède de la même manière avec le CTG. Chers collègues faites bien attention à ce qui va suivre : Active la simulation, intervalle cinq secondes.
Le Super-Cerveau recommença à afficher les erreurs possibles. À la fin de la démonstration les scientis montraient des signes de perplexité.
Vous avez certainement remarqué que la panne au taux de probabilité le plus élevé est la numéro 11 avec 93%. Krell, réaffiche lerreur 11.
Les chiffres changèrent à nouveau et affichaient: 888888
Ceci est la panne la plus classique, vous en avez tous, une fois ou lautre, fait lexpérience avec vos propres chronodexs. Elle arrive loin devant les quatorze autres possibilités. Donc, sur la base dun raisonnement mathématique, le CTG, sil savérait quil soit effectivement HS, devrait nous montrer la même chose que ce qui est affiché en ce moment même sur vos écrans et derrière moi.
Ils ne purent quacquiescer. Mais, ils nen abandonnèrent pas pour autant leur scepticisme et cest ce moment que choisi un des plus respecté scientis pour intervenir :
Vous semblez oublier que le système CTG fonctionne sur une base quintidimentionnelle. Lerreur ne sapplique donc pas. On ne peut comparer un simple chronodex à un compteur temps galactique !
Honorable Nalhrod, votre remarque est pertinente ! Mais puis-je me permettre de vous informer à ce sujet. Voyez-vous, seul le système de calcul est différent. Les composants daffichage sont les mêmes. Je puis même vous dire que cest la Spadex, lune des plus réputée compagnie dIsirios qui les fabrique. Je vous rassure respecté confrère, en premier lieu, jai eu le même raisonnement que vous. Puis, jai vérifié sur les schémas techniques que les hommes de la maintenance ont gracieusement mis à ma disposition et là
Ne sachant que rétorquer, Nalhrod regagna son siège.
Si vous le permettez, je vais reprendre. Lors de la simulation, navez-vous pas êtes interpellés par un détail pour le moins curieux ?
Non !?
Une grande majorité des scientis, pour ne pas dire tous les scientis, secouèrent négativement la tête. Excepté Vanhéa qui semblait fascinée par les propos de Silas Bechlatt. Pour ma part, je me contentais découter attentivement.
Je suis navré de le dire mais, vous me décevez beaucoup ! Krell, repasse sur le CTG uniquement merci. Je vous aurais crus plus observateurs. (il pesa ensuite chacun de ses mots.) Navez-vous pas remarqué, que pendant la démonstration, à aucun moment, je dis bien aucun, la soi-disant panne du CTG nest apparue ! Vous pouvez vérifier et revérifier
ce que je ne me suis pas privé de faire à maintes reprises. Jamais
cette erreur ne sest affichée
Un silence de mort plana sur tous les Scientis assis derrière leurs tables individuelles.
Voilà pourquoi ce nombre, assorti du sigle mathématique moins, doit tous nous interpeller. Car sa signification va au-delà de notre entendement.
Les visages étaient livides et moi-même, je me sentais déstabilisé par ce que je venais dentendre.
Et voilà pourquoi cette théorie qui vous paraissait, il y a peu, si risible et fantaisiste
ne déclenche plus en vous, la moindre once dhilarité.
Je ne savais que penser. La démonstration de Silas était certes convaincante. Mais les perspectives quelle ouvrait étaient tellement extraordinaires que javais du mal à les assimiler. En plus de cela, il y avait lhypothèse de la « bulle » spatio-temporelle à prendre en considération. Depuis le rapport du Major Valkovir, javais fait envoyer plusieurs séries de sondes Nova effectuer des repérages, au-delà de la de la limite que représentait la perte du signal de relèvement par les pilotes de lescadrille Saphir.
Six cent mille kilomètres de plus pour être exact. Mais, bien que programmées pour faire demi-tour une fois cette distance atteinte, aucune nétait encore rentrée jusqu'à présent. À court darguments, je décidais de lever la séance.
Merci de nous avoir fait voir notre situation sous un jour nouveau scienti Bechlatt. Je pense quil y a maintenant suffisamment de matière à utiliser comme base de travail. Nous allons donc ajourner cette réunion et je vais vous laisser commencer vos recherches. Une chose encore : Je voudrais que chaque groupe informe les autres sur lavancée de ses travaux, car je tiens a vous rappeler ceci : Il nest point ici question de prestige, lindividualisme est à bannir, nous sommes tous embarqués sur le même navire et ce nest quen travaillant de concert quune explication et la solution qui en découlera pourra voir le jour. Ce sera tout, merci beaucoup.
Javais conclu de manière banale. Ce nest quune fois la salle vide, alors que mon regard sétait arrêté sur ce nombre inexorablement figé, dont la couleur se reflétait sur mon visage et sur le pupitre, que je mesurais la portée des paroles de Silas Bechlatt !
Fin du journal de Keldan. Plus aucune entrée depuis hier. Dois-je amorcer une mise à jour ?
Non Krell, ce ne sera pas nécessaire pour linstant.
LAmiral Keldan dAtariss resta encore un long moment assis, son regard fixant un point imaginaire au-delà du moniteur plasmatronique. Il se demandait quel avenir il pourrait donner à ce fils quil prendrait dans ses bras dici quelques mois, si daventure Silas Bechlatt devait avoir raison.
Amiral, puis-je faire une suggestion ?
Je técoute.
Il serait judicieux de lever la sanction imposée au Capitaine Bergman, sa responsabilité nétant pas engagée comme je vous lai déjà démontré a plusieurs reprises.
Il ny avait rien à redire à cette suggestion et la première chose quil fit en quittant « le Cerveau » fut de se rendre directement dans les quartiers de Bergman. Deux gardes armés se tenaient immobiles de chaque côtés de la porte coulissante. Curieusement, celle-ci était ouverte. Martin Bergman confortablement installé dans son fauteuil, visionnait un holofilm lorsque lAmiral Keldan déboucha du turbolift. En apercevant leur commandant en chef, les deux cerbères se raidirent au garde à vous. Le Commandeur leur adressa quelques mots et les congédia. Puis, passant la tête dans lencadrement :
Capitaine Bergman
je peux entrer ?
Celui-ci sans prendre la peine de lever les yeux de son projecteur holo lui répondit par laffirmative.
Je suis passé vous dire que vous pouvez regagner votre poste sur la passerelle. Je lève la sanction à votre encontre et ceci avec effet immédiat.
Bergman stoppa la projection et leva enfin les yeux sur Keldan.
Ah non ! Cest trop facile ! Vous pensez quil vous suffit de débarquer comme ça et de me dire que ma « punition » est levée, pour tirer un trait, alors que jai été accusé à tort !
Capitaine Bergman, si je suis venu personnellement vous signifier votre réintégration dans vos fonctions, cest également afin de mexcuser auprès de vous de navoir pas pris en compte les conclusions de Krell, qui vous mettaient hors de cause et ceci dés le départ. Jai commis là une regrettable erreur et
je men excuse. Il est bien clair quà notre retour, je ne mentionnerai pas votre initiative dans mon rapport.
Merci, mais
quel optimisme ! Quest-ce qui vous fait croire que nous allons rentrer chez nous ?
Jai foi en mon équipage
Il fallut une bonne vingtaine de secondes à Bergman pour se décider.
Daccord ! Jaccepte vos excuses. Tant il est vrai que la situation nétait pas des plus claires à ce moment-là.
Je vous rassure, la situation nest pas beaucoup plus claire quil y a quelques jours. Des hypothèses et des théories, voilà tout ce que nous avons pour le moment. Jai envoyé une quatrième série de Nova modifiées afin dessayer den savoir plus. Elles sont parties depuis une dizaine dheures et devraient être de retour dans autant. Mais
selon toute probabilité
elles ne reviendront pas
comme les autres
Tout a toujours été une question destimation, Amiral. Dailleurs, selon la mienne, il est temps que je rejoigne mon poste sur la passerelle afin de relever le Commandant de Danwell. Alors si vous le permettez
Je vous accompagne.
Keldan était soulagé, lincident semblait oublié et les deux hommes arrivèrent de concert dans le poste de commandement, au grand étonnement de Cyruss.
Pas encore de signal ?
Il avait posé la question plus par routine quautre chose car il en connaissait déjà la réponse. Lofficier de détection layant parfaitement compris, sourit avant de répondre.
Non Monsieur, rien pour le moment.
Cyruss, à quelle heure se termine votre quart ?
Dans une vingtaine de minutes. Pourquoi ?
Ce sera suffisant. Suivez-moi, je voudrais vous entretenir en particulier.
À vos ordres.
Capitaine Bergman, je vous confie la passerelle.
Bien Monsieur.
Juste avant de sortir, il murmura quelque chose à loreille de celui-ci :
Évitez les initiatives quelque peu inconsidérées Capitaine ! (il accompagna sa phrase dune tape sur lépaule.)
Bientôt, Cyruss Danwell et Keldan dAtariss se retrouvèrent dans le bureau de ce dernier.
Asseyez-vous Commandant.
Merci.
Vous buvez quelque chose ?
Non, merci Amiral.
Keldan se dirigea vers son bar et, après avoir hésité quelques instants, se servit un verre de jus dogun. Ces grands arbres qui ne se trouvaient que sur la planète Afoltir, produisaient des baies multicolores dont le goût fruité nétait pas sans rappeler lananas terrien. Additionnée de quelques glaçons, cette boisson était des plus rafraîchissantes.
Du fond de la pièce il sadressa à Cyruss :
Décidément, je ne me doutais pas que ce bar était aussi bien achalandé ! Vous êtes sûr de ne rien vouloir ?
Non merci, vraiment.
Tant pis pour vous !
Tout en revenant vers son bureau, il changea de ton et redevint sérieux :
Commandant, nous avons assez patienté, nous passons à la phase deux.
Celui-ci eu du mal à cacher son étonnement :
Mais ! Ne devrions-nous pas attendre le retour des Novas ?
Elles ne reviendront pas, je ne me fais aucune illusion là-dessus. Les androïdes sont-ils prêts ?
Pas encore, la cybernétique rencontre quelques problèmes pour les reprogrammer. Ils seront prêts dans quarante-huit heures.
Ce délai ne me convient pas ! Donnez-leur vingt-quatre heures !
Je pensais bien que vous ne seriez pas satisfait, aussi leur ai-je déjà signifié que cétait trop long.
Bien
Mais ils nen ont pas démordu et pour finir, nous avons coupé en deux. Je leur ai accordé trente-six heures.
Bon
puisque lon ne peut faire autrement
je men accommoderais.
Cependant, je crois que ce que nous faisons est inutile
Que voulez-vous dire ?
En partant du principe que toute électronique est perturbée une fois une certaine distance atteinte, je doute que lenvoi des androïdes serve à quelque chose. Regardez les sondes Nova. Cest presque ce qui se fait de mieux en matière dintelligence artificielle, elles sont tellement faciles à programmer et leurs possibilités sont si étendues
pourtant elles ne sont pas revenues
Je vous le concède. Bien ! Je vais réfléchir à la question. Vous pouvez disposer Commandant.
Il ne voulait pas en parler immédiatement à Cyruss, mais il avait déjà envisagé létape suivante : Envoyer deux volontaires tenter de retrouver les sondes et par la même occasion une éventuelle sortie.
Immédiatement après le départ de son second, il consulta les listes déquipage afin de connaître le nom du chef des pilotes. Il désirait sentretenir avec lui afin que celui-ci puisse le conseiller au mieux dans le choix des hommes, qui se porteraient volontaires pour cette si dangereuse mission. Cela peut paraître surprenant quun Premier officier ne connaisse pas encore les noms de tous ses principaux subordonnés ! Mais avec tous les événements qui sétaient déroulés depuis sa prise de commandement, il navait pas vraiment eu le temps de parcourir chaque dossier.
Le Major-Général Norto Galhéone ne paraissait pas ses 121 ans. Il faut dire que lespérance de vie des Talijiens dépassait allègrement les 260 ans ! Cette longévité était due à un composant de latmosphère talisienne qui se fixait de façon définitive sur les cellules des nouveaux nés et ralentissait le vieillissement. Des expériences avaient bien entendu été tentées avec dautres races, dans le secret espoir que ce processus fonctionnerait également avec des non-autochtones. Celles-ci navaient jamais abouti. Talis nétait donc pas la planète de jouvence !
Une seule chose les différenciait des humains : Leurs yeux ovales qui occupaient les deux tiers de leur visage. De couleur unie mais qui différaient selon le statut, ceux du Major-Général étaient rouge vif, signe de son appartenance à la Caste de guerriers. Pilotes émérites, les Talijs rouges comme on les nommaient, possédaient en plus un don inné pour la tactique en combat spatial. Ce nétait donc pas un hasard si Galhéone était le chef des 361 chasseurs et des 227 intercepteurs qui composaient lescadre affectée à lAtaraxia.
Perfectionniste taciturne, préférant le terrain à la bureaucratie, il se trouvait au hangar numéro neuf à vérifier certains systèmes de vol (tâche normalement dévolue aux techniciens de maintenance et aux méchadroïdes ) lorsquune jeune pilote se présenta à lui :
Aspirante Néliosa au rapport Major-Général. Excusez-moi de vous déranger mais on ma chargée de vous informer que lAmiral Keldan vous attend au panoramidôme immédiatement.
Merci ! Disposez !
Le téléport nétait quà quelques mètres de lui et en quelques instants, il se retrouva devant le sas du panoramidôme. Cette pièce ronde de soixante mètres de diamètre, située à la proue du vaisseau, juste un peu en retrait par rapport au poste central, offrait une vue de lespace sur 360 degrés. Elle était vide, du moins en apparence, le mobilier étant pour lheure escamoté dans le sol.
LAmiral se tenait au fond de la pièce, tournant le dos au sas et fixant le néant qui semblait le narguer de lautre côté de la plastovitre.
Silas avait-il raison ? Et si cétait le cas, à quelle date exacte se trouvaient-ils ? Et pourquoi les autres unités de la centurie, pourtant parfaitement synchronisées avec le vaisseau mère, navaient-elles pas été victimes du même phénomène ?
Keldan en était là de ses réflexions silencieuses, debout, les mains croisées sur sa poitrine, lorsquil entendit le léger sifflement caractéristique du cercle de téléportation. Sans se retourner, il sadressa à Norto :
Vous avez fait vite Major. Je vous en remercie.
Il ny a pas de quoi Commandeur.
Quelle étrange chose ne trouvez-vous pas, que de devoir activer léclairage artificiel de cette pièce ! Elle dhabitude si sublimement illuminée par la seule magnificence des étoiles !
Sans crier gare, il fit volte face et changea de conversation.
Major-Général, jirais droit au but : jai besoin de deux pilotes pour une mission qui, selon toutes probabilités, sera sans retour.
Il avait lâché cette phrase dun ton glacial, à la grande surprise de Norto qui nimaginait pas son supérieur capable de sacrifier froidement deux vies. Mais, la raison lui fit rapidement comprendre que deux vies nétaient que peu de choses en comparaison de plus de huit mille autres
cétait là une tragique réalité.
Je crois connaître la nature de cette mission Monsieur, mais pourriez-vous me fournir quelques détails afin que je puisse cerner le profil des pilotes susceptibles de la mener à bien.
Bien sûr. Vos deux volontaires piloteront une navette bardée déquipement bio-métrique. Ils devront dépasser de 600.000 kilomètres la limite « saphir », faire demi-tour et revenir. Aussi simple que ça ! Du moins en
théorie
Croyez-vous être en mesure de me trouver deux pilotes capables de le faire ?
Jai déjà une vague idée de qui envoyer. Mais ne pourrions-nous pas utiliser les androïdes au préalable ?
Ils ne sont pas prêts et vous nêtes pas sans savoir que lélectronique devient défaillante une fois aux abords du point « saphir ». Donc, si lon ne peut employer les cybernétiques, il faut nous tourner vers les biologiques. De plus, certains rapports font état dincidents fréquents, pour lheure sans gravité fort heureusement, entre les membres déquipage. Linactivité leur pèse ce qui est compréhensible. Ils ont beau être des professionnels, ce néant a de quoi perturber les plus expérimentés. Mais il ne faudrait pas que cela dure encore trop longtemps. Voilà pourquoi il nous faut agir. Nous ne pouvons plus nous permettre dattendre.
Je comprends
et pour quand vous faut-il ces pilotes ?
La navette décollera dans trente-six heures
Vous aurez une liste de noms sous vingt-quatre heures Monsieur.
Pour toute réponse Keldan lui décocha un sourire entendu et ils en restèrent là.
Quelques minutes plus tard, il déambulait dans les coursives lorsque des éclats de voix parvinrent jusqu'à lui. Il pressa le pas afin de remonter au plus vite à la source de cette querelle. Lorsquil y arriva, deux hommes se tenaient par le col, juste sur seuil du réfectoire du niveau 9 actuellement désert.
Espèce de connard ! Je sais que jai raison !
Non abruti ! je te dis que cest 11h30 !
Tu lauras voulu !
Allons Messieurs ! Qu'est-ce que ça veut dire ? Garde à vous ! Et réajustez-moi ces uniformes !
Reconnaissant leur Commandeur, ils sexécutèrent prestement.
Alors, que se passe-t-il ici ?
Cest lui ! Il persiste à me dire que ma pause est de 10h45 à 11h15 ! alors quelle est de 11h à 11h30 !
Cest faux je
Broutilles que tous cela ! Suivez-moi !
Lordre était impérieux et ils sempressèrent de lui emboîter le pas. Il les conduisit dans la première salle disposant dun terminal quil trouva.
Vous qui êtes si sûr de vous, quel est votre numéro de service ?
Le
le 4229 M
Monsieur !
Keldan pianota ce nombre sur le digiclavier. Au bout dune seconde à peine, le tableau de service safficha : 4229, maintenance des aérateurs, pause matinale : 11h à 11h30. Vous aviez raison ! Puis, sadressant au second des deux hommes :
Sergent, jexige dimmédiates excuses à cet homme !
Oui
oui Commandeur !
Il se tenait bien droit mais quelques secondes de plus et ses genoux auraient flanché.
Excuse-moi vieux, je
je sais pas c qui ma pris
je suis sur les nerfs ces jours-ci et
Oh ! laisse tomber
moi aussi je suis pas au mieux de ma forme.
Norchtass !(que lon pourrait traduire par : femme vendant ses charmes.) Dire quon allait se foutre sur la gueule pour une connerie pareille !
Bah ! cest oublié. Aller viens, je toffre un verre
euh ! avec votre permission Amiral !
Celui-ci acquiesça dun signe de tête.
Jaime mieux ça messieurs. Quand vous aurez fini, vous rejoindrez votre poste Sergent et vous, vous terminerez votre pause. Mais que ce genre de chose ne se reproduise plus cest bien clair. Nous devons tous tirer à la même corde pour nous en sortir. Noubliez pas cela.
À ces mots, il les planta là et continua son chemin. Laltercation dont il avait été le témoin, était la parfaite illustration du malaise qui commençait à sinstaller à bord. Ceci le conforta dans sa décision dagir au plus vite.
Ses pérégrinations le conduisirent à proximité de la cabine de Lorissia. En fait, il ne se trouvait pas réellement là par hasard, car il ressentait le besoin de se confier à une amie. Il arriva au moment où elle sapprêtait à rentrer dans ses appartements.
Lorissia
Keldy quelle bonne surprise !
Jai horreur que vous mappeliez comme ça vous le savez bien ! Déjà à bord du
Je sais et cest bien pour ça que je continue
Keldy ! Euh ! Vous entrez ou vous squattez mon palier ?
Jentre !
Waow ! Ça va jaser ! Le Commandant en chef qui rentre dans mes quartiers ! Mais bon
La porte se referma et elle se jeta à son cou.
Je suis tellement heureuse de te revoir ! Que me vaut cet honneur, tu es venu moffrir ce verre que tu mas promis lors de notre dernière rencontre ?
Entre autre
Toi tu as un problème ou je ne suis plus Lorissia Rivelth !
On ne peut rien te cacher
TU
ne peux rien me cacher nuance !
Lori
tu es une femme et
( il était clair que Keldan était plutôt embarrassé.)
Jusqu'à preuve du contraire
oui, bien que tu naies jamais voulu ten assurer par toi-même
On aurait dit un écolier pris en faute, il ne savait pas par où commencer.
Attends Amiral
il ne sagirait pas dune histoire de fesse par hasard ? demanda-t-elle de son air le plus mutin.
Euh
oui !
Nooon ! Tu as fait des folies de ton splendide corps avec un membre de léquipage !
Cest ça.
Oh ! la la ! laisse-moi deviner avec qui
Je ne sais pas si
La scienti Naudanliha !
Comment tu as dev
(elle lui coupa la parole une fois encore.)
Tu las dit toi-même
je suis une femme ! Et nous les femmes nous avons un sixième sens ne loublie pas !
Tout en parlant elle avait rejoint sa chambre et sans aucune gêne avait retiré son uniforme afin de prendre une douche. Celle-ci se trouvant dans la pièce à côté, elle était obligée de repasser devant Keldan, ce qui ne semblait pas lui poser le moindre problème de pudeur. De même, lui nen paraissait pas troublé. Il sassit et patienta quelques minutes jusqu'à ce que la voix de Lorissia se manifeste à nouveau :
Tu peux me passer une serviette sil te plaît !
Tout de suite.
Il ouvrit une petite armoire et trouva ce quil cherchait : une grande serviette de bain aux motifs chamarrés. Il la lui tendit alors quelle sortait de sa cabine de douche.
On dira ce quon voudra, mais de tous les systèmes dhygiène corporelle existants, leau reste le plus agréable !
Je suis daccord avec toi.
Elle retourna dans sa chambre, revêtit une robe de couleur mauve qui, elle le savait la rendait très attirante. Puis elle rejoignit Keldan.
Ah ! on se sent mieux
Alors comme ça tu as couché avec une naudalith.
Ben
oui.
Bof ! après tout, tu aurais eu tort de te priver, il paraît quau lit ce sont de vraies déesses
tu confirmes
?
Ça pour confirmer
Mmmmh !
Mais
il y a autre chose
Aie ! Je naime pas ce ton. Qu'est-ce que tu as encore fait ?
Euh ! disons que
quil y a de fortes chances que
Allez lâches-toi !
Je vais contribuer à la relève des officiers des Centuries
Q
quoi tu
tu
tu las mise enceinte ! ! !
Il semblerait que oui.
Mais qu'est-ce qui a bien put te passer par la tête ?
Ce nest pas ma faute ! Je ne pouvais savoir quelle était en période de fécondité ! Ça leur arrive seulement tous les trois ans !
Dommage que les jeux de hasard soient interdits à bord, tu aurais à coup sûr décroché le Jackpot !
Non, plus sérieusement, que vas-tu faire ?
Je vais assumer mon rôle de père voilà tout.
Mais tu ny connais rien !
Japprendrais
Viens, sortons dici, jai décidément besoin de ce verre ! Tu me raconteras la suite tout à lheure.
Leur conversation dura jusqu'à tard dans laprès-midi, mais au sortir de celle-ci, le Commandeur Keldan avait retrouvé toute sa confiance. Heureusement dailleurs, car il allait en avoir bien besoin dans les jours à venir.