25/05/2003 - Philippe Lugrin
Quazarus - Chapitre 7



Le Major-Général Galhéone regardait avec fierté les trente hommes et femmes rassemblés dans la vaste salle de repos du pont 18. Plusieurs heures lui avaient été nécessaires pour réunir un groupe qui correspondait au mieux à ses critères de sélection.
Mais le temps consacré à cette tâche l’avait été judicieusement, car pas un seul d’entre eux n’avait cillé ou même renoncé lorsqu’il avait déclaré avoir besoin de volontaires, pour la téméraire mission dont il venait de leur dévoiler les grandes lignes.
Trente pilotes, cela peut paraître beaucoup, mais cela lui laissait également une marge de manœuvre suffisamment importante pour son choix définitif.

— Mesdames, Messieurs, comme vous le savez, je ne suis pas quelqu’un de très expansif. Toutefois, je voudrais vous remercier tous sincèrement de vous être portés volontaires. Mais, je voudrais aussi vous rappeler que je n’ai au final besoin que de quatre hommes : L’équipage principal et celui de réserve. Donc, je vais malheureusement devoir faire vingt-six frustrés ! (Les pilotes rirent de bon cœur. Ce qui ne leur était pas arrivé depuis quelque temps déjà). Quant aux quatre veinards, je les avertirai personnellement. Voilà, ce sera tout Messieurs. Je vous laisse à vos divertissements et n’oubliez pas de me faire parvenir l’addition !
Juste avant de quitter la pièce, il se retourna une dernière fois vers ses hommes et leur dit, avec une pointe d’humour dans la voix :
— Mais, n’exagérez pas ! je ne suis pas aussi riche que certains d’entre vous voudraient bien le croire !
Cette dernière phrase eut le don de provoquer un nouvel éland d’hilarité parmi les pilotes.

Il regagna ses quartiers et se remit immédiatement au travail. Contrairement à ce qu’il redoutait, il n’eut pas besoin d’y consacrer encore un nombre important d’heures. Grâce à l’aide de Krell, sa liste ne comporta rapidement plus que quatre noms. Parmi ceux-ci, figurait celui du Major Valkovir.
Le fait que ce dernier ait été sélectionné par l’impitoyable logique de Krell l’embarrassait quelque peu. Il ne rentrait pas dans ses projets de risquer la vie de son meilleur chef d’escadrille. Il fallait faire quelque chose et il le convoqua en premier, bien décidé à tout faire pour le dissuader. Il aurait bien sûr pu dire à Krell de choisir un autre pilote figurant dans la liste, mais Valkovir était suffisamment intelligent pour savoir qu’il faisait partie des sélectionnables.

Keldan avait autorisé des vols d’entraînement aux alentours de l’Ataraxia, histoire d’occuper ses pilotes. Valkovir venait tout juste de rentrer de l’un d’eux, lorsqu’on lui apprit qu’il était attendu par le MG. Sans prendre la peine de désactiver sa bio-combi de vol, il se rendit immédiatement chez Galhéone. Une fois entré et sans en attendre l’autorisation, il s’assit dans l’un des deux confortables sièges faisant face au bureau blanc derrière lequel se tenait, également assis, le Major-Général. À ce moment-là, il s’aperçut qu’il n’avait pas désactivé son casque. Il appuya sur l’un des senseurs de son bracelet de vol et aussitôt, grâce à un complexe processus moléculaire, son casque s’escamota dans sa combinaison. Galhéone se cala contre le dossier de son fauteuil et attaqua sans préambule :

— Val, je ne peux te laisser participer à la mission. J’ai trop besoin de toi pour les « Saphirs ».
— Ça, c’est des sornettes Norto ! lui rétorqua Valkovir, masquant difficilement son irritation.
— Thoren est aussi apte que moi à diriger cette escadrille et tu le sais très bien ! Non, ce qui se passe c’est qu’après tout ce temps, tu culpabilises encore d’avoir eu cette promotion, alors qu’elle m’était destinée. Tu crois que je n’ai pas remarqué que depuis ce jour, tu fais tout pour m’éviter les missions tordues ! Mais laisse-moi te rappeler quelque chose : Cette promotion, c’est moi qui l’ai refusée, car ce qui m’intéressait, c’était de voler avec mes gars. Je n’étais et je ne suis toujours pas fait pour la bureaucratie, tout comme toi ! Mais ils t’ont nommé et tu as accepté ! Donc, tu n’as absolument rien à te reprocher ! Quand enfonceras-tu ça dans ton crâne de Talijien ?

Le guerrier de Talis ne répondit pas immédiatement et Valkovir en profita pour argumenter de plus belle.

— Norto… on se connaît depuis bien des années toi et moi. Ensemble, nous avons vécu des choses que la plus part des gamins que j’ai sous mes ordres ne peuvent même pas imaginer ! Alors, ce n’est pas cette mission-là qui va me faire peur ! De plus, je n’ai pas de famille, aucune attache sentimentale. Cela fait de moi le volontaire idéal ne trouves-tu pas ?
— Tu tiens vraiment à y aller n’est-ce pas ? Et ceci malgré l’énorme risque que toi et ton copilote allez encourir.
— Un peu que je tiens à y aller ! Après tout, la « bulle » spatio-temporelle, c’est mon idée et je veux personnellement vérifier la véracité de mon hypothèse.
— Tel que je te connais, rien ne pourra te faire changer d’avis n’est-ce pas ?
— Absolument rien !
Le Major-Général se résigna.
— Dans ce cas… Major, vous êtes notre premier volontaire.
Valkovir se leva, affichant un sourire radieux :
— Je te revaudrais ça Major-Général. Au fait, qui sont les trois autres encore en course ?
— Comme je pensais pouvoir te raisonner, ils sont encore quatre. Je n’ai pas fait mon choix définitif.


Son chronodex de poignet indiquait 20.45 lorsque Keldan appela le département cybernétique. La représentation holographique du séduisant visage de Kitara apparu bientôt.

— Kitara ! Vous êtes encore là !
— Il le faut bien ! J’ai un Tx-28 à remettre sur pied et le reste de l’équipe a terminé sa journée.
— Dois-je en conclure que la Scienti est également absente ?
— Elle ! Oui en effet, vous la trouverez chez le Scienti Bechlatt.
— Vous voulez dire à son laboratoire d’expérimentation ?
— Non, non ! j’ai bien dit CHEZ le Scienti… dans ses quartiers privés.
— Qu’a-t-elle bien pu aller faire là-bas ? dit-il d’un ton soupçonneux.
— Ça, je n’en ai aucune idée ! Tout ce que je sais, c’est qu’elle a expédié toutes ses tâches de la journée à une vitesse incroyable et que vers 18.30, elle m’a demandé si ça ne me dérangeait pas de terminer seule la remise en état de cette unité TX-28.
— Voilà un comportement des plus singuliers.

Il commençait a se poser des questions, car il n’avait pas oublié la façon dont Vanhéa, le matin même, avait été quasiment hypnotisée par Silas.
Un sentiment qu’il n’avait pas éprouvé depuis très longtemps s’immisçait sournoisement en lui, un sentiment qui, il le savait était l’un des plus destructeurs : La jalousie.
Il n’avait pas encore analysé ce qu’il éprouvait réellement pour elle. Au départ, seule une attirance physique les avait rapprochés, témoin la mémorable nuit qu’ils avaient passée ensemble ! Mais était-il vraiment amoureux de cette femme ? Rien n’était moins sûr ! Certes, elle portait son enfant et il avait accepté la situation, mais était-il prêt ? La question resta en suspens.

— Merci Kitara, je vais l’appeler là-bas. Bon courage pour le TX28 !
— Merci, mais j’ai presque terminé. Oh ! Juste une dernière chose.
— Je vous en prie.
— Sans aucunes explications, nous avons reçu pour instruction de stopper la reprogrammation des droïdes, je n’ai pas très bien compris pourquoi ?
— Tout simplement parce que nous n’envoyons plus de droïdes, mais des pilotes humains. Nous ne sommes pas affectés par la limite « saphir » alors c’est la solution la plus logique.
— Mais… c’est terriblement dangereux !
— Eux et moi en sommes parfaitement conscients, soyez-en sûre ! Mais nous n’avons pas d’autre choix je le crains, il nous faut absolument savoir ce qu’il y a au-delà de cette limite.
— J’espère que ça marchera…
— C’est ce que nous espérons tous ma chère. Je vous souhaite une bonne nuit.
— Bonne nuit, Amiral.

Immédiatement après, il appela chez Silas qui ne répondit qu’après plusieurs tentatives :

— Bonsoir Scienti Bechlatt, excusez-moi de vous déranger durant votre repos, mais on m’a informé que je pourrais trouver la Scienti Naudanlhia dans vos quartiers, est-ce le cas ?
— C’est exact Commandeur, elle est là et si vous désirez lui parler, je vous la passe, elle est juste à côté.
— Je vous remercie.

Le visage de Bechlatt fut rapidement remplacé par celui de la jeune femme.

— Commandeur, que puis-je pour vous ? Elle employait un ton volontairement détaché et il le remarqua.
— Vanhéa, lorsque vous en aurez terminé chez le Scienti Bechlatt, pourriez-vous je vous prie, avant de regagner vos appartements, faire un détour par mon bureau de commandement, car je voudrais vous parler d’un problème concernant la reprogrammation des androïdes.
— Mais, je croyais que les androïdes…
— Passez me voir et vous obtiendrez des éclaircissements.
— Mais… je…
— Passez me voir c’est un ordre ! le ton était sans appel.
— Bien, si c’est un ordre… rétorqua-t-elle la voix pleine de défi.
— Je vous attends. Et il stoppa la communication.

Vanhéa regarda Silas d’un air incrédule.

— Je crois que, comme l’on dit sur Atariss, vous allez passer un sale quart d’heure !
— Silas, vous promettez de ne parler de ça à personne.
— N’ayez aucunes inquiétudes, tout ce dont nous avons parlé restera entre nous, vous avez ma parole.
Elle lui posa amicalement la main sur l’avant-bras.
— Merci, je sais pouvoir compter sur votre discrétion.

Intentionnellement, Vanhéa n’utilisa pas le cercle de téléportation. Elle préféra le tube de transport, qui lui laissait six minutes (le temps du trajet) pour trouver les mots qui lui permettraient d’expliquer à Keldan l’étrange découverte qu’elle avait fait et dont elle s’était ouverte à Silas.
Le tube s’immobilisa à la hauteur de la section de commandement. Vanhéa descendit et parcourut à pied les cinquante mètres qui la séparaient des appartements du Commandeur. Une fois à l’intérieur, elle voulut entamer la conversation, mais Keldan l’apostropha avec brusquerie :

— Que faisais-tu chez Bechlatt !?
— Qu’est-ce que cette histoire de Droïdes ? répondit-elle, usant de la même brusquerie.
— Un moyen pour te faire venir et te demander des explications ! continua-t-il.
— Je serais venue de toute manière car il fallait que je te parle !
— Alors ! poursuivit-il.
— Si tu n’est pas décidé à changer de ton, ce n’est pas la peine que je reste !
— Tu resteras ici jusqu'à ce que je t’autorise à partir !
— Comment oses-tu ?… Je te rappelle que Scienti est un rang bien plus élevé qu’Amiral !
— Dans notre galaxie peut-être ! ( Il s’était levé de son siège furieux.) Mais nous ne sommes pas dans notre galaxie ! Je suis le Commandeur de ce vaisseau, ce qui fait de moi le maître à bord ! Alors techniciens de maintenance ou Scientis, vous êtes tous sous mon autorité ! Tâches de t’en souvenir !

Cette dernière phrase la secoua plus qu’il n’y paraissait et elle revint rapidement à de meilleurs sentiments.

— Pardonne-moi, je… j’aurais peut-être du te parler avant d’aller voir le Scienti Bechlatt… tu as du juger mon comportement ambigu n’est-ce pas ?
— C’est à toi de me pardonner. Il avait lui aussi retrouvé son calme. Je me suis fait des idées… je ne sais pas ce qui m’a pris…
S’approchant de lui, elle lui caressa la joue et déposa un léger baiser sur ses lèvres.
— Moi je sais. Dit-elle doucement. Tu es jaloux ! Ce défaut si spécifique aux humains. Tu as encore beaucoup à apprendre sur les Naudaliths.

Elle se serrait maintenant contre lui, ses lèvres à quelques centimètres des siennes. Elle continua dans un murmure :

— Nous sommes un peuple très libéré sexuellement comme tu as eu l’occasion de le constater… tu te rappelles qu’il ne m’a pas fallu longtemps pour céder a tes avances… il protesta gentiment :
— Eh ! c’est toi qui m’a fait des avances !
— Peu importe, ce qui est important c’est que le jour où une femme de Naudhal choisit celui dont elle portera l’enfant… elle lui est fidèle à jamais… c’est une règle immuable. Et… bien que je n’ai pas vraiment choisi… je tiens à la respecter.

Leurs lèvres s’unirent à nouveau et tout le temps que dura ce baiser, une gamme de pensées contradictoires traversa l’esprit de Keldan. Lorsqu’enfin leurs lèvres se séparèrent, il retourna s’asseoir. Elle le rejoignit et s’assit sur ses genoux un sourire malicieux au coin des lèvres.

— Mais, si j’avais eu à choisir, il se peut que tu fusses l’heureux élu…
— C’est un compliment que j’apprécie à sa juste valeur… ironisa-t-il.
Le sourire de Vanhéa disparut aussi vite qu’il était venu.
— Que t’arrive-t-il ?
— Keldan… j’ai fait le test que tu m’as demandé.
— Et alors ? Le résultat ?
— Il était… positif.
— Je préfère ça… dit-il tout en appuyant sa tête contre la poitrine de Vanhéa qui fût surprise de cette remarque.
— Tu… préfères… ça… ! ? réussit-elle à articuler.
— Oui… aussi surprenant que cela puisse paraître, je me suis fait à l’idée de cette paternité et beaucoup plus vite que je ne l’aurais cru ! Il leva les yeux sur elle et vit que quelque chose n’allait pas. Il l’interrogea et elle hésita avant de répondre :
— Keldan… il y a un problème… c’est de ça dont j’ai discuté avec Bechlatt…
— Un problème ! mais… mais… de quel… de quel genre bredouilla-t-il.

C’était la première fois qu’elle voyait un humain, qui plus est à hautes responsabilités, perdre sa contenance de la sorte et elle se dit qu’elle aussi, avait encore beaucoup à apprendre. Elle le serra contre elle.

— Durant leur grossesse, les femmes Naudaliths développent une symbiose avec leur enfant, quelque chose d’infiniment plus fort que ce qui se produit entre la mère et l’enfant humain. Te rappelles-tu des symptômes dont je t’ai parlé et que j’ai ressenti quelques heures après notre contact physique ?
— Je m’en souviens.
— Il s’agissait du début de la symbiose. Tout au long de la grossesse, un contact lie le fœtus à sa mère, elle sait à chaque instant comment va son enfant, ce qu’il ressent entre autres choses.
— Et… que se passe-t-il avec celui que tu portes ?
— Je… je ne suis plus en symbiose…
— Quoi ! ?
— J’ai d’abord ressenti la même incrédulité que toi en ce moment, j’ai même paniqué. Alors, j’ai fait un prenatscan et ce que j’ai découvert m’a à la fois rassurée et terrorisée.

Keldan voulut parler mais les mots restèrent en travers de sa gorge et avant qu’il n’ait pu prononcer un seul mot, Vanhéa continua :

— Le résultat de l’examen a démontré que notre enfant était en parfaite santé. J’ai alors tenté d’entrer en symbiose mais toutes mes tentatives furent vaines. Puis, j’ai repensé à la théorie de Silas et je l’ai contacté. Oh ! Rassure-toi, je ne lui ai pas dit qui était le père, mais je voulais savoir s’il existait un lien entre mon état et l’endroit où nous sommes. Nous avons passé plus de deux heures à tenter de trouver une explication, malheureusement, sans résultats.
— Peut-être est-ce le fait que je ne sois pas un naudalith ? hasarda-t-il ayant retrouvé sa contenance.
— Non, il y a déjà eu des mélanges entre humains et naudaliths. Aucun rapport médical n’a jamais fait état de problèmes symbiotiques. Il s’agit d’autre chose… dit-elle d’une voix tremblante. Oh ! Keldan, je ne sais plus où j’en suis, j’ai déjà tellement de doutes. Suis-je vraiment amoureuse de toi ? poursuivit-elle, ou mon attirance pour toi n’est–elle purement que d’ordre physique ? Je n’arrive pas à répondre à ces questions.

Il aurait voulu lui dire que lui aussi se posait les mêmes questions mais il n’en eut pas le loisir, l’avertisseur de l’holophone interrompant ce bref moment d’intimité. Une voix synthétisée se fit entendre :

— Message visuel sur votre moniteur plasmatronique, Amiral, du Major-Général Galhéone. Dois-je commuter ?
— Un instant !
Vanhéa ayant compris qu’elle était de trop s’était déjà levée, prête à partir.
— Je vais te laisser travailler. Cette journée a été épuisante, je vais rentrer et me coucher directement.
— Attends ! Il voulut ajouter quelque chose mais ne trouva pas ses mots, il se contenta de la regarder et tout ce qu’il réussit a dire fût : Bonne nuit…
Lorsqu’elle eu disparut à l’intérieur du cercle de téléportation, Keldan maudit son moment de faiblesse, mais il n’eut pas le temps d’avoir des regrets, ses responsabilités se rappelant à son bon souvenir par l’intermédiaire de l’holophone.
— Commutation !

L’écran s’alluma à nouveau et quatre visages y étaient affichés. Au-dessous de chacun d’eux, était inscrit en noir sur un fond vert clignotant, le nom de chaque pilote. La voix du Major-Général commentait cette image.

— Voici comme convenu votre liste Monsieur. Le premier vous le connaissez, il s’agit du Major Valkovir. Il tient absolument à participer. J’ai essayé de l’en dissuader mais c’est une vraie tête de shranks ! Le second ne vous est pas étranger non plus, il s’agit du capitaine Dobrajewski. Je sais qu’il est normalement affecté à votre service, mais Krell a jugé ses capacités indispensables au vu des spécificités de la mission. Ils formeront l’équipe principale. Celle de réserve sera composée du Lieutenant Neergs un aldurien, pilote remarquable, doué d’une grande capacité d’adaptation ainsi que du Lieutenant Daanaera, une zaanaxienne, pilote et astronavigatrice de grand talent. Voilà vos quatre volontaires, ils sont aux ordres. Si vous avez des questions à leur sujet, vous pouvez me contacter dans mes quartiers. Sinon, eh bien ! bonne nuit !

L’Amiral Keldan n’avait aucune question à poser à Norto, ce choix lui inspirait confiance. Il avait, à demi-mot, demandé les meilleurs et ceux-ci étaient là, prêts à partir dés qu’il en donnerait l’ordre. Il désactiva tous les systèmes et se rendit dans sa chambre à coucher. La journée avait été riche en événements et il ne tarda pas à sombrer dans un profond sommeil, terrassé par la fatigue, sans se douter de la conversation qui avait lieu quelques blocs d’habitation plus loin.

La cabine 129 C était plongée dans l’obscurité. Les contours d’un humain se dessinaient à la faible lueur de l’holophone activé. Aucun visage n’était visible, il n’en sortait que du son.

— Tout se déroule comme prévu ! disait la voix déformée artificiellement.
— Ne craignez-vous pas que la situation actuelle pose problème ?
— Elle ne fait que retarder l’inévitable ! L’Ataraxia n’atteindra jamais Tanos.
— Que faisons-nous pour le Commandeur ?
— Je lui ai fait cadeau d’une nouvelle préoccupation… il n’interférera pas dans nos desseins.
— Et pour la navette, si jamais ils réussissaient…
— Elle ne reviendra pas !
— Mais si jamais…
— Ne suis-je pas assez clair ? Elle ne reviendra pas… faites ce qu’il faut !

La communication fut interrompue. L’homme retira la plaquette de crypto-brouillage que lui avait fait parvenir son mystérieux interlocuteur, l’a remit dans son petit étui de protection et la rangea soigneusement avant de quitter discrètement sa cabine. Il ne s’absenta pas plus d’une demi-heure et rentra se coucher. Mais contrairement à Keldan, il eut du mal à trouver le sommeil.

26 juilla

La navette rectangulaire de neuf mètres de long pour quatre de large et trois de haut, dont le cockpit s’étrécissait en forme de triangle vers l’avant, reposait sur ses quatre étançons ventraux au milieu du pont C. elle avait été rebaptisée TARLAHK, ce qui signifiait « chance » en luniv, le langage universel. Du mince hublot, lui aussi rectangulaire, qui entourait le poste de pilotage, s’échappait un fin trait de lumière qui permettait de distinguer les deux pilotes. Ils étaient installés aux commandes depuis quelques minutes déjà, dans l’attente du décollage. Les deux officiers devisaient tranquillement, comme si la mission n’était que pure routine. Était-ce pour masquer leur angoisse ?

— Alors, ça vous plaît d’être le P.O du Commandeur ? ironisa Valkovir.
— Ça laisse du temps libre, répondit Dobs le plus sérieusement du monde.
— Vous savez que vous êtes la cible des quolibets de la part des autres pilotes !
— Je le sais, mais ça ne me touche pas plus que ça.
— Ah bon ?
— Lorsque je dirigeais l’escadrille ODIN, le jour où les gars ont appris que j’avais été désigné pour être le pilote officiel de l’Amiral, j’y ai eu droit durant presque quinze jours, alors vous voyez…
— Ouais ! Question d’habitude !

Un petit groupe était présent pour assister au décollage. Outre l’Amiral, il était composé du Commandant Danwell, qui n’avait que modérément apprécié le fait que l’Amiral ne lui parle pas de son plan, du Capitaine Bergman, de Kitara, dont la relation avec Dobs avait, à cette occasion, éclaté au grand jour, de l’ingénieur Agostolis, qui procédait encore quelques instants plus tôt à la vérification minutieuse de l’équipement bio-métrique et du Scienti Tsahan, qui en plus d’être en parfait désaccord avec la théorie de Silas, était l’un des plus virulents opposants à l’hypothèse de Valkovir. Celui-ci l’aperçut et donna un petit coup de coude à Dobs.

— Regardez cette fripouille ! Il est venu vérifier de visu que c’était bien moi qui partais ! Il serait tellement content que je me plante…
— Allons, n’exagérez-vous pas un peu ? C’est un Scienti tout de même !
— Oh ! ils ne sont pas meilleurs que les autres, particulièrement lui. Ça le réjouirait de me voir échouer…

Dobs allait répondre lorsqu’il aperçut Orimh Letka. Celui-ci se tenait très en retrait du groupe, juste à côté du turbolift, les bras croisés dans les larges manches de sa robe violette et il observait la scène avec attention. Remarquant que le Capitaine le regardait, il s’engouffra promptement dans le lift et les portes coulissantes se refermèrent sur lui. En croisant le regard d’Orimh, Dobs eut un mauvais pressentiment. Il ne savait pas pour quelle raison, y en avait-il une d'ailleurs ? Ce sentiment de malaise fut pourtant suffisamment perturbateur pour lui faire oublier la réponse qu’il voulait adresser au Major.

— Bon Capitaine Dobrajewski, demandez-nous une autorisation de décollage, qu’on en finisse !
— Avec plaisir Major… contrôle, ici navette Tarlahk, nous demandons le décollage.
Une voix d’homme se fit entendre :
— Tarlahk ici contrôle, tous vos systèmes sont au vert, votre trajectoire est programmée et activée. Vous êtes autorisés à décoller.
— Compris contrôle.
— Une dernière chose : « Tarlahk Nassirtla » vous en aurez besoin !
— « Tarlahk Nassirtla » : « Chance sur vous » hein ! Ce n’est pas de chance dont nous avons besoin, ce serait plutôt d’un bon médirobot, de préférence spécialisé en psychiatrie ! Car il faut être complètement siphonné pour accepter d’être volontaire pour une mission pareille ! répondit Dobs.
Le contrôleur de vol ne sut que rétorquer et il bafouilla :
— Euh … décollage Capitaine !

Dobs remarqua le visage inquiet de Kitara, il s’adressa à elle par l’intermédiaire du haut-parleur, ignorant le reste du groupe :

— Allons, ma puce, fait pas cette tête, on se revoit dans quelques heures, j’te l’promets !

Tous deux savaient que c’était une promesse qu’il n’était de loin pas sûr de pouvoir tenir. Ils échangèrent un regard qui en disait long, puis Dobs se détourna et ses yeux se fixèrent vers l’embouchure du pont C.
Valkovir, les yeux également fixés sur la sortie, amorça la séquence de décollage. Grâce à l’effet des anti-g, la navette s’éleva délicatement. À environ deux mètres du sol, ses étançons se rétractèrent et elle commença à glisser silencieusement vers l’extrémité du pont C.

— Siphonné hein !
— Euh !… C’est une… une vieille expression terrienne qui veut dire…
— Pas la peine… je crois avoir saisi le sens de ce mot ! coupa Valkovir.

Le propulseur du petit astronef fut activé et ils s’éloignèrent rapidement de la baie d’appontage.

— Voilà, nous sommes en route, commenta Dobs. Contrôle, ici Tarlahk, on est parti ! Nous vous enverrons une holocarte souvenir quand nous serons à destination ! Bien que ce soit là toute la question : quelle est notre destination ? !
— Vous ne vous répartissez jamais de votre humour on dirait, Capitaine !
— Détrompez-vous, ça m’arrive… quelques fois !
— Dites, vous savez ce que c’est ça, dit Valkovir en pointant du doigt une maquette de l’Ataraxia fixée sur un socle en plastique tout au fond de la navette.
— Ah ! ça ! C’est un technicien de maintenance qui me l’a donné, il a dit que ça nous porterait chance.
— C’est ça oui…
— Accessoirement, il a ajouté que c’était un gyroscope mécanique de son invention.
— Un gyroscope mécanique ! ! s’étonna Valkovir.
— Oui, mécanique, sans une once d’électronique, donc, d’après lui, insensible aux perturbations ! Et toujours d’après lui, si nous devons rebrousser chemin, il nous indiquera si nous sommes dans la bonne direction.
— Et comment explique-t’il ça ?
— Et bien… en fait ce n’est pas très clair… mais je crois avoir compris que le gyroscope est indépendant de la navette, il est censé réagir au champ magnétique dégagé par notre vaisseau porteur, un peu comme une boussole…
— Une bouquoi ?
— Une boussole, un astronav si vous préférez ! Vous n’avez donc pas un tant soit peu étudié l’Histoire de la Terre ? Valkovir ne répondit pas. Ce qui veut dire que lorsqu’il nous montre l’arrière de la maquette, le vaisseau mère est derrière nous, et quand il nous montre la maquette de face, c’est que l’Ataraxia est devant nous. Pour imager, je dirais que nous tournons autour du gyroscope.
— Pour imager hein ! Vous croyez que ça marche ?
— Rien de tel qu’un petit test, vous ne trouvez pas ?
— Alors testons ! Je désactive l’ordinateur de vol et je passe en manuel…
À bord de l’Ataraxia, la surprise fut totale ! Le contrôleur chargé de surveiller le vol fut pris au dépourvu :
— Amiral, je ne sais pas ce qui se passe, l’ordinateur de vol de la navette ne répond plus et ils font demi-tour !
— Keldan le regarda incrédule. Interrogez-les !
— Oui monsieur. Tarlahk, ici contrôle Ataraxia, que se passe-t-il ? Votre ordinateur de vol est désactivé et vous revenez sur nous. Avez-vous une avarie à signaler ?
— Négatif, tout va bien ! (La voix de Valkovir résonnait dans tout le poste central.) Nous… nous procédons seulement à un petit test… euh ! nous allons nous réaligner et poursuivre notre route dans quelques instants…

Il stoppa le visaudio et demanda, la voix remplie d’excitation :

— Alors Dobs… ?
— Voyez vous-même…
— Norchtass ! ce type est un vrai génie ! Qu'est-ce qu’il fiche à la maintenance ?
— Je ne peux vous répondre.
— Pourquoi nos ingénieurs n’y ont-ils pas pensé ?
— Ah ! à ça, je peux répondre : Nos ingénieurs ne pensent pas ! Ce sont les ordinateurs qui pensent pour eux !
— Réponse pertinente ! Vous croyez que ce gars a parlé de son idée à un supérieur ?
— Oh ! Certainement, mais il a dû lui rire au nez, ce qui a décidé ce type à agir de son propre chef…
— … pour notre plus grand bien je crois, compléta Valkovir.
— Essai concluant Major. Si vous le permettez, je vais nous remettre sur le droit chemin !

Une fois l’ordinateur de vol réactivé, il ne fallut qu’un instant au petit vaisseau pour se retrouver sur la bonne trajectoire.
Le petit astronef filait maintenant à vive allure. Valkovir pianotait sur les touches senseurs de la console de pilotage, achevant d’introduire les dernières corrections de cap dans l’analyseur de vol. Dobs augmenta la puissance des propulseurs pour atteindre disto 4.

— Voilà Major, vitesse de croisière atteinte dans vingt secondes, alarme destination activée, ce qui nous laisse… il regarda le chronodex du tableau de bord : 3 heures 47 minutes avant la décélération en dessous de la vitesse luminique… vous avez un jeu de carte ! ?
— Non, désolé ! Quelle distance de sécurité avez-vous choisie ?
Dobs fit semblant d’être effrayé :
— Bon sang ! si l’espace ne nous tue pas, c’est l’ennui qui s’en chargera !

Puis redevenant officier des Centuries : 80 millions de kilomètres avant le point « saphir », ce qui nous donnera suffisamment de temps pour parer à toutes éventualités… du moins… je l’espère…

— Défaitiste Capitaine ?
— Moi ! jamais Major !
— Tant mieux ! Que donne le signal de relèvement ?
— L’ER fonctionne parfaitement, aucune perturbation à signaler.

La première heure de vol se déroula de façon routinière : Contrôles réguliers du cap et de la vitesse, du signal de relèvement et des systèmes de survie. A l’entame de la deuxième heure, Dobs posa une question qui surprit passablement Valkovir :

— Vous avez aperçu le lokirien sur le pont d’envol ?
— Oui, je l’ai vu en effet.
— Son attitude ne vous a t-elle pas paru pour le moins étrange ?
— Vous faites sans doute allusion au fait qu’il se tenait très en retrait des autres.
— C’est ça. Mais il y a autre chose, une chose dans son comportement que je ne saurais définir…
— Je n’y vois rien d’anormal, il est bien connu que les lokiriens sont des êtres solitaires, qui ne se mêlent que rarement des affaires d’autrui. Ce qui est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’un Grand Prêtre.
— Orimh est un Grand Prêtre !
— Vous l’ignoriez ?
— En effet… je…je l’ignorais. Cette révélation eut pour effet de renforcer son malaise, mais il s’efforça de se concentrer sur la mission :
— Encore une heure cinquante-six avant l’alarme destination.

Kitara reposa sa fourchette sur le bord de son assiette, elle n’avait pour ainsi dire pas touché à son repas.

— Tu n’as pas faim ? s’étonna Vanhéa.

Elle avait tellement l’habitude de voir Kitara ne rien laisser dans son assiette et cela même dans les pires situations qu’elle en fut déconcertée.

— J’ai peur qu’il ne revienne pas…
— Serais-tu amoureuse ?
— Je préfère dire que nous nous entendons bien, il me fait rire et je me sens bien avec lui. Répondit-elle un peu gênée.

Un tel comportement, alors qu’elle était d’ordinaire si extravertie, ne pouvait signifier qu’une chose. Et bien qu’elle peinait à l’admettre, Kitara était très amoureuse.

— Ne pas avoir de nouvelles ! Rester dans l’ignorance ! C’est insupportable !
Elle était sur le point de craquer.
— Calme-toi, il n’y a que trois heures qu’ils sont partis, ils reçoivent encore le signal, pour le moment leur vol c’est de la routine !
— Désolée mais là, j’angoisse !
— Si tu veux, je peux m’arranger pour que tu aies accès à la passerelle de commandement.
— C’est strictement interdit ! Seul le Commandeur et son état-major ont le droit de s’y trouver !
— Tu sembles oublier que je suis très intime avec le Commandeur… il ne me refusera pas cette petite faveur…

Kitara esquissa un sourire. Vingt minutes plus tard, les deux spécialistes en cybernétique se retrouvaient sur la passerelle. Elle furent impressionnées par la taille du poste central, c’était la première fois qu’elles accédaient au saint des saints. Ce qui les impressionna le plus fut sans conteste le silence qui régnait en ces lieux. Elles s’attendaient à une activité beaucoup plus importante et à un brouhaha de communications en tout genre. Puis elles se rappelèrent qu’il n’y avait personne avec qui communiquer dans ce secteur de l’espace, excepté Tarlahk !
Keldan prévenant s’était levé de son fauteuil et avait cédé sa place à Kitara. Il en avait profité pour se rapprocher de Vanhéa qui se tenait à la barrière. La Terre n’avait beau être qu’un nom sur les holoscribes d’histoire, cela n’avait pas empêché d’antiques traditions de resurgir et de perdurer, la galanterie était l’une d’elle.

— Tarlahk, ici contrôle Ataraxia, nous avons relevé une baisse de puissance de votre émetteur durant quinze secondes, pouvez-vous confirmer ?
— Oui, nous aussi nous l’avons remarqué. (c’était la voix de Dobs.)
— À quoi attribuez-vous cette baisse de puissance ? Nous n’avons pas pût l’identifier.
— Bah ! C’est sûrement le générateur de l’hyperemetteur qui fait des siennes, pas de quoi se tourmenter ! Tout va bien !

À ce moment Keldan intervint :

— Capitaine, j’ai une petite surprise pour vous.
— Oh ! j’adore les cadeaux ! Qu’est-ce que c’est ?
— Il y a ici une personne qui voudrait vous parler.
— À moi ! Je suis donc célèbre à ce point !

Keldan sortit son comcasque du logement dans lequel il était rangé et le tendit à Kitara.

— Tenez, je m’en sers pour communiquer en privé sur une fréquence réservée.

Elle le mit sur sa tête, régla les petits écouteurs et le micro à sa convenance et fit un petit signe comme quoi elle était prête à parler.

— Contrôle communications, désactivez le visaudio principal et passez sur ma fréquence.
— À vos ordres. Tarlahk, passez sur fréquence rouge, je répète, passez sur fréquence rouge.
— Comme ça, personne n’entendra ce qu’ils se diront. Déclara Keldan a l’adresse de la Scienti.
— Pourquoi tant de sollicitude ?
— J’envoie l’homme qu’elle aime à une mort quasi certaine, c’est la moindre des choses… tu ne trouves pas ? lui glissa-t-il à l’oreille.
Le visage du Capitaine apparut sur le moniteur de la console de commandement.
— Dobs…
— Kitty ! ! ! Mais…
— Oups, ça devient personnel ! Je vais voir au fond de la navette si j’y suis ! Déclara Valkovir en désactivant son harnais de sécurité. Il s’accroupit tout près de la maquette pour en observer les détails. Il n’osait pas la toucher de peur de dérégler cette précieuse mécanique. Pourtant, plus il l’observait et plus quelque chose le dérangeait, mais il était incapable de dire quoi.

— Kitty, comment as-tu fait pour te retrouver sur la passerelle ? !
— Et tu ne sais pas où je suis assise en ce moment ! ils parlaient tous les deux à voix basse, de peur d’être entendus.
— Ça je n’en sais rien.
— Dans le fauteuil de commandement !
— Mais c’est…
— Dobs… l’interrompit-elle, à nouveau sérieuse.
— Qu'est-ce qu’il y a ma puce ?
— Ne commets pas d’imprudences surtout. Pour une fois, soit sérieux je t’en prie… j’ai trop besoin de toi, de ta présence, si jamais… (elle cherchait ses mots) je voulais que tu saches que mon cœur t’accompagne…
— Et il me portera chance ! termina-t-il la voix empreinte d’émotion. T’inquiètes pas ma puce ! Ton Dobs ne se fera pas avoir, il est malin tu sais ! Maintenant, il va falloir que je te laisse, nous allons bientôt arriver à la distance de sécurité et je dois m’occuper de plusieurs choses. Il lui adressa un baiser de la main.
Elle posa la sienne sur le moniteur comme pour caresser le visage qui s’y affichait.
— Je t’aime Capitaine Dobrajewski murmura-t-elle.

Il coupa la communication et ajouta pour lui-même : Moi aussi je t’aime…
Remarquant que l’entretien était terminé, Valkovir regagna son siège. Voyant la mine défaite de Dobs, il ne put s’empêcher d’exprimer le fond de sa pensée espérant un résultat positif :

— Alors ça c’est incroyable ! Le Capitaine Dobrajewski, Dobs le Tombeur, ensorcelé par une roboticienne ! Ah non ça je n’en reviens pas !
— Oh ! ça va ! On a du pain sur la planche !
— Du quoi ?
— Ah ! laissez tomber, vous êtes décidément trop inculte ! On a du boulot quoi !
C’était gagné ! En vérité, Val savait parfaitement ce que signifiait « avoir du pain sur la planche. »

Kitara avait enlevé le comcasque et avait rendu son siège à Keldan.

— Merci de cette faveur Amiral. Dit-elle, sincèrement reconnaissante.
— C’est peu de chose.
— Pour moi, c’était important.
— À présent, je voudrais que vous quittiez la passerelle s’il vous plaît, la suite risque de vous être beaucoup moins agréable.
— J’aimerais rester si ça ne vous dérange pas…
— Vous savez ce qui va ce passer ! répondit Keldan visiblement embarrassé. Ils vont disparaître de nos écrans dans quelques minutes.
— Laissez-moi au moins rester jusque-là.
Il poussa un long soupir et finalement accepta la présence de la roboticienne.
— C’est d’accord… mais seulement jusqu’à ce que nous perdions le signal, au–delà, je ne pourrais vous autoriser a demeurer dans le poste central.
— Je comprends.
— Monsieur, ils commencent leur décélération, ils seront au point « saphir » dans cinq minutes.
— Continuez de les suivre le plus loin possible.
— En couplant certains systèmes nous avons gagné quinze pour cent de puissance en réception. Nous avons trois minutes de suivis supplémentaires par rapport aux sondes Nova.

Keldan était très satisfait des efforts fournis par les techniciens pour glaner ces cent quatre-vingts secondes de signal et il ne se gêna pas de leur le faire savoir :

— Excellent travail messieurs ! Dans la situation actuelle c’est un exploit !
— Nous n’avons fait que notre travail Monsieur, répondit modestement le technicien responsable.
— Non, vous avez fait beaucoup plus que cela… réactivez le visaudio principal.

Le son et l’image en provenance de la navette remplirent à nouveau l’écran géant. Dobs signalait a l’instant la décélération à Valkovir, alors que l’avertisseur strident de l’alarme destination retentissait :

— Nous allons passer en inférieure 1 dans dix-huit secondes.
— Bien, le cap est toujours bon, les systèmes sont OK. Encore combien de temps avant la perte totale du relèvement ?
— Deux minutes vingt-sept secondes.
— Vous passerez en inférieure 2 à mon signal ! Et désactivez-moi cette saloperie d’alarme destination ! ce bruit est insupportable !

Dobs s’exécuta et le silence revint à l’intérieur du petit poste de pilotage.

— Voilà qui est mieux ! Je bascule deux tiers de puissance aux boucliers déflecteurs avant. On ne sait jamais sur quoi on va tomber !
Ou sur qui…


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